«Casser l'idée du colonialisme positif est le but que je me suis fixé à travers mon prochain film qui traitera de la guerre d'Algérie Il dit avoir voulu parler de la crise identitaire qui secoue les jeunes français d'origine maghrébine. Ces beurs, un peu perdu, «égarés» qui ne situent pas encore leur place. Ecartelés entre une Algérie, appréhendée, fantasmée, et cette France qui les a laissés tomber. Yamin Benmadi joue Brahim qui dit avoir l'Algérie dans le sang mais qui se braque, a peur dès qu'on lui demande de rentrer au bled. A côté, il y a Mouloud alias Karim Belkadra qui, lui, plus intégré ne se monte pas trop la tête sur son appartenance. L'insertion sociale passe par l'acquisition d'un métier. Une prise de conscience que veut nous faire transmettre le réalisateur à travers ce film de «divertissement avant tout». Une idée confortée par cette coscénariste de ce film. «On a voulu faire une peinture sociale à l'italienne, loin des considérations politiques.» Beur Blanc Rouge a bénéficié outre de l'aide du Commissariat de l'Année de l'Algérie en France. Son message analytique passe par un support musical détonant. L'envie de faire rire est ici perceptible sans occulter le fond de réflexion. Parlons-en... L'Expression: Quand on regarde votre parcours cinématographique, on constate déjà trois films au compteur qui traitent de l'immigration, pourquoi ce choix? Mahmoud Zemmouri: Parce que je suis immigré d'abord. Cela fait 37 ans que je vis en France. Le problème de l'immigration m'a beaucoup affecté, notamment tout le problème de racisme, d'exclusion, etc. J'ai voulu contribuer en montrant ces gens qui souffrent et les défendre. Vous soutenez que votre film Beur Blanc rouge qui vient de sortir en Algérie, n'est pas un film de commande. Il n'est pas en relation avec les émeutes des banlieues en France qui ont éclaté l'hiver dernier. Cependant, on ne peut occulter le fait qu'il traite d'un sujet tiré de l'actualité. Oui, c'est actuel...Je tiens à dire aussi que je n'ai pas fait des films que sur l'immigration. C'est mon troisième film qui traite sur l'immigration... Peut-on connaître le vrai motif qui vous a poussé à réaliser un film sur l'immigration sur fond de trouble: le match Algérie-France? Moi, j'ai vécu dans une cité pendant 8 ans. Une cité vraiment au coeur des problèmes sociaux, avec des parents et des jeunes français issus de parents immigrés, et sincèrement j'étais vraiment affecté de les voir le matin ou quand je rentre le soir, en bas des immeubles, surveillés par la police mais à mort, acculés à faire des bêtises...Je me disais qu'il fallait parler de tout et montrer qu'il y a quand même un problème en France concernant ces communautés. Un gros problème communautaire qu'il faut absolument régler. Je le règle à ma manière en faisant des films, d'autres le font en écrivant des livres, d'autres en montant des pièces de théâtre. Il n'y a que comme ça qu'on avance. Finalement, étant Français avec un passeport français mais un nom maghrébin, peut-on toujours s'intégrer? Le gros problème, vous vous rendez compte, ce qu'on fait aujourd'hui? Les jeunes Français issus de parents immigrés, quand ils vont à l'Anpe (agence d'emploi), ils doivent cacher leur nom, dans leur demande. C'est dire que c'est assez grave ce qui se passe aujourd'hui. Ils cachent leur nom pour le patronat. Le patron a une demande d'emploi et le gouvernement incite à ne pas voir le nom d'abord. Le nom est caché. Vous vous rendez compte de la forte présence du racisme, ici. Donc, avec un sujet grave, vous faites un film comique? Le comique, je le fais à travers tous mes films. Cela me permet de faire passer les choses, les plus dures et ne pas tomber dans le militantisme plat. Avec de l'humour, ça passe bien et cela élargit le public. Beaucoup de Français quand ils entendent que c'est un film d'humour qu'il soit à résonance arabe ou pas, ils viennent le voir car il y a de l'humour dedans. Deux personnages complètement antinomiques. Brahim qui n'est pas tout à fait intégré et Mouloud intégré mais il n'a cure de son côté algérien, alors que l'autre le revendique surtout. N'y a-t-il pas ici un trop-plein de complexité? C'est très complexe effectivement. Mais, moi, ce que je veux montrer et ce que j'ai montré dans ce film, est que la cause vient des parents. Si on voit plus loin, c'est à cause de ces politiques qui les ont parqués dans des ghettos. Ils les ont laissés dans leurs traditions, dans leurs moeurs sans pouvoir se développer et s'insérer dans la société française. Donc, les enfants qui sont nés de ces parents, vivent l'Algérie à l'intérieur de la maison et vivent la France à l'extérieur. Beaucoup me disent, moi quand je rentre à la maison, c'est Alger et quand je sors dehors c'est Paris, ou c'est la Cour-Neuve, ou c'est Saint-Denis, ou c'est... Quelle est la solution pour ce gros dilemme des enfants issus de l'émigration justement? La solution consiste à couper le cordon ombilical d'abord, avec les parents. Ce que les femmes ont fait. Elles l'ont fait avec beaucoup de succès. Elles ont avancé dans les études. Il faut savoir qu'il y a beaucoup de femmes en France qui sont bien placées, notamment dans le gouvernement. Il y en a une avec nous dans la délégation qui, elle, est insérée dans le gouvernement. elle est dans les petites et moyennes entreprises. elle est conseillère. Chose qui est rare chez les hommes. La France doit aussi prendre des décisions par rapport à ces jeunes, leur apprendre à faire des stages. Ils ont quitté l'école très jeunes. Certains l'ont quittée au primaire. Il faudrait absolument les soutenir, notamment par des stages et contribuer à leur insertion sociale sinon c'est la catastrophe, comme nous l'avons vu la dernière fois, fin 2005 avec l'explosion des banlieues. Ça risque de revenir avec cette nouvelle politique Sarkozy et d'autres gens de droite qui ont promis de s'en occuper et d'investir dans les associations pour les aider. Chose qui n'est pas faite depuis le mois de novembre 2005. Votre prochain film traite de la guerre d'Algérie. Vous montez ainsi d'un cran dans le traitement sociopolitique de l'Algérie. Vous allez ainsi toucher à son histoire et sa mémoire, qui est remise en cause nous le savons, notamment dans le rapport entre les deux pays l'Algérie et la France, de par ce traité d'amitié et cette loi du colonialisme positif, sans oublier le problème d'archives qu'il faut dépoussiérer nonobstant la torture...Comment allez-vous procéder? Faire un film sur la guerre d'Algérie est motivé justement par mon idée de casser cette décision de la colonisation positive. C'est clair. De quelle façon? C'est l'histoire d'un jeune, 14 ans, qui est une lumière à l'école, qui réussit haut la main ses examens mais qu'on recale parce qu'il n'y a pas assez de places. On met un Français à sa place. A travers ce personnage, je démontre la colonisation négative contrairement à ce qui a été décidé en France. Comment allez-vous faire pour le financer? Tant pis si on ne trouve pas des financements européens. On ira vers l'Algérie. On verra bien. Si l'Algérie est en contradiction avec cette décision de colonisation positive, c'est à elle justement de financer et de trouver où mettre l'argent pour contrer cette loi... Vous risquez d'avoir des bâtons dans les roues, spécifiquement de la France. Non? J'ai toujours eu des bâtons dans les roues mais on s'en sort quand même.