L'université Aboubakr-Belkaïd a organisé, en collaboration avec l'Inrap français (Institut national des recherches archéologiques préventives), deux journées d'étude les 29 et 30 avril dernier. Cette rencontre scientifique entre experts des deux pays a permis de débattre du concept de l'archéologie préventive et des conditions et moyens de mise en oeuvre d'un projet de formation pour la recherche. Dans le préambule imprimé par le département d'archéologie de l'université de Tlemcen, les objectifs visés sont ainsi tracés «l'Algérie, véritable couloir d'acculturation depuis la préhistoire, recèle un patrimoine archéologique riche et varié, devant être transmis aux générations futures.» Cet ordre des choses se trouve en réalité quotidiennement confronté aux contraintes de la modernité en matière d'aménagement. A ce titre, deux attitudes opposent aménageurs et archéologues: faut-il effacer les traces du passé? Faut-il tout conserver en vue de fossiliser le territoire? La réponse est donnée par l'archéologie préventive, qui est une nouvelle approche mise en application en Europe depuis trois décennies et qui tente de concilier ces deux attitudes, en permettant aux décideurs d'élaborer un cadre légal prenant en considération aussi bien les attentes légitimes des aménageurs que celles des archéologues soucieux entre autres des problèmes identitaires. Après que M.Negadi, chef du département archéologie de l'université de Tlemcen, ait présenté le programme des deux journées d'étude, M.Ferroukhi (Inrap France) fait un exposé intitulé «Infrastructure et archéologie: un projet pour Tlemcen». D'autres exposés furent donnés, comme l'Organisation de l'archéologie préventive en France par Pascal de Paepe (France), l'Europe face à l'archéologie préventive par Nathan Schlanger, Archéologie de terrains: des moyens pour des résultats par Hervé Petitôt. Ghouti Bensenouci, coordinateur de ces journées d'étude, fit une communication intitulée: Tlemcen ou l'histoire d'une mutation. M.Laurent Vidal (Inrap) parlera de l'exemple d'étude archéologique sur un tracé linéaire. Enfin, Nora Yahiaoui, du Cnrs clôturera la matinée avec un exposé intitulé «Les confins ouest de la Mauretanie césarienne, territoire oublié des chercheurs». La communication qui a retenu mon attention fut celle du docteur en archéologie Abdelaziz Laâredj de l'Institut d'archéologie d'Alger avec pour thème «La pensée urbanistique chez les musulmans et ses applications pratiques». L'exemple pris dans cette application sont les fouilles menées par son équipe sur le site de la ville de Mansourah XIIIe siècle. Les principales idées émises sont que le bâtisseur musulman (il s'agit des Mérinides venus de Fez pour conquérir Tlemcen capitale des Zianides où le premier siège a duré 8 ans, 1299-1307), a construit une ville de fortifications avec des remparts de protection dont les murailles existent jusqu'à nos jours et un pan du minaret visible sur toutes les cartes postales. Le palais du roi a été découvert sous une «mezbala» (tas d'ordures) et en creusant plus bas, des canalisations d'eau potable. Une découverte de taille, c'est l'existence de faïences à reflet pendant ces fouilles menées de 1985 à 1993 puis abandonnées à cause de la décennie rouge. De Mansourah on passa à une autre étude de terrain dans la façade atlantique en France. Le rôle de l'inventaire avec données administratives (cadastre), données textuelles (sources) données archéologiques, la morphogenèse ont permis de situer le château d'Olonne. Cette confrontation d'idées et de travaux sur le terrain a permis aux écoles française et algérienne de tirer mutuellement profit des expériences dans le domaine de l'archéologie. Tlemcen, vu son potentiel historique avec 80% des monuments de la période musulmane, reste un chantier ouvert pour les chercheurs qui doivent tenir compte de tous ces paramètres afin que les fouilles soient fructueuses. L'urbanisation rapide et la course au béton ont fait disparaître le canal romain (Sakiet Anasrani) à Sidi Tahar et Birouana, une grande partie de la mosquée d'Agadir dont il ne reste que le minaret, Chankar Bab Arrouah un ancien rempart avec la porte de la vieille ville d'Agadir, Bab Alakba par où est entré le général Bugeaud en 1840, etc. M.Negadi Hammi, un des principaux organisateurs, regretta «la défection des autorités locales, aucune direction n'était présente démontrant que les responsables locaux et aménageurs ne sont pas encore sensibilisés aux problèmes d'environnement et de l'archéologie». Quant à M.Kahouadji Yaghmorassen, architecte, il me confia que «les différents intervenants ont axé le débat sur l'archéologie et l'importance de l'archéologie dans le développement, le déplacement et l'ancrage de l'individu dans un espace géographique. L'objet de la recherche archéologique c'est de connaître l'homme du passé afin d'identifier le présent et de prévoir l'avenir».