En marge de la table ronde internationale sur l'archéologie, Mahfoud Ferroukhi, archéologue de formation, en fonction au niveau de l'Institut national de recherche archéologique préventive (INRAP) à Montpelier France, nous a accordé cet entretien sur la coopération internationale relative à l'archéologie préventive et les sauvetages urgents en Méditerranée. Le cas du Maghreb en a été le sujet. Qu'est-ce que l'archéologie préventive ? C'est une discipline scientifique récente, en France, elle s'est particulièrement développée à partir des années 1970 en raison de la multiplication des programmes d'aménagement du territoire et de constructions, sous l'appellation de « Sauvetages programmés ». Partie intégrante de l'archéologie, celle préventive intervient lorsqu'une opération d'aménagement du territoire peut porter atteinte à des éléments du patrimoine. C'est pourquoi les aménageurs intègrent dans leur calendrier le temps de détection, de fouille, d'étude, voire d'éventuelles sauvegardes des vestiges mis au jour. Le système de financement de l'archéologie préventive repose sur le principe « casseur-payeur », appliqué par tous les pays européens ayant approuvé la convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, dite convention de Malte. Ce principe signifie que c'est à l'aménageur-propriétaire du terrain de supporter le coût des fouilles. La redevance est arrêtée à 32 centimes d'euro le m2 par la loi. Cette même loi a créé, dans les comptes de l'Inrap, un fonds national pour l'archéologie préventive. Les recettes du fonds sont constituées par un prélèvement sur le produit de la redevance d'archéologie préventive ; il finance les subventions accordées par l'Etat aux personnes projetant d'exécuter des travaux qui ont donné lieu à une prescription de fouille d'archéologie préventive. Au final, l'archéologie préventive constitue 90 % de la totalité de l'activité archéologique française avec plus de 2000 interventions par an et 252 000 journées d'archéologues. En 2004, cela représente un budget de près de 120 millions d'euros. Chaque année, environ 60 000 ha sont affectés en France métropolitaine par des travaux de terrassement, soit 20 m chaque seconde ! Sur ces surfaces, environ 12 % font l'objet de diagnostics archéologiques. Qu'en est-il de l'archéologie préventive en Algérie ? Il n'y a pas d'archéologie préventive en Algérie ! De nombreux pays sont à la recherche d'un moyen efficace pour répondre à cette agression constante des sites archéologiques, sans toutefois parvenir à trouver de solutions satisfaisantes. Cette méthode est un modèle d'intervention récent et unique en Europe. Et au Maghreb ? En effet, dès le mois de juin 2007 et en parfaite coordination avec la SNAM (Société des autoroutes du Maroc), l'Inrap a réalisé une prospection archéologique afin de localiser d'éventuels sites archéologiques enfouis ou en élévation sur le tronçon de l'autoroute Fès-Taza. Ces premières investigations ont fourni des résultats très satisfaisants puisque, avant même le début des travaux autoroutiers, elles montraient que des sites potentiels majeurs étaient menacés et nécessitaient des recherches plus approfondies. L'étendue de la surface archéologique sur l'emprise de l'autoroute est évaluée à plus d'un hectare. Une ville inconnue ou une agglomération secondaire de Fès ? Un complexe industriel de conservation et de mouture des céréale ? Seules les recherches archéologiques en cours permettront de déterminer la nature des différentes occupations humaines des lieux.