La diplomatie algérienne retrouve son terrain de prédilection: la médiation internationale. Le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, Ramtane Lamamra, met le cap sur l'Afrique et entamera, dès demain mardi, une tournée régionale qui le mènera en Tunisie puis en Ethiopie en passant par le Soudan et enfin l'Egypte. Dans les valises du chef de la diplomatie algérienne, un lourd dossier: le contentieux du grand barrage de la Renaissance, Gerd, que construit l'Ethiopie et qui empoisonne les relations entre Addis-Abeba, Le Caire et Khartoum. Pour l'Ethiopie, ce projet légitime est indispensable à son essor économique. Les deux pays en aval, l'Egypte et le Soudan, ne veulent rien savoir et opposent leur veto à ce projet, mettant en avant la crainte que ce barrage ne restreigne leurs ressources hydriques (l'Egypte dépend à plus de 90% du Nil pour ses besoins en eau). Mais pourquoi Lamamra entame-t-il alors son périple à partir de la Tunisie? Certes, les deux pays entretiennent depuis toujours d'excellentes relations. Considérant la Tunisie comme son prolongement stratégique, l'Algérie n'a pas manqué d'afficher son soutien et sa solidarité au voisin de l'Est, dont l'économie est chancelante, doublée d'une grave crise sanitaire. Ramtane Lamamra a eu un entretien téléphonique avec son homologue tunisien Jerandi, avant-hier, «J'ai discuté aujourd'hui avec mon frère Othman Jerandi, ministre tunisien des Affaires étrangères et nous avons examiné l'évolution de la situation épidémiologique et les efforts de la contenir dans les deux pays.» Lamamra ajoute: «Nous nous sommes, également, consultés sur les sujets d'actualité au niveau de l'Union africaine». Tout est dit dans cette dernière phrase, qui explique les vraies raisons ayant amené Lamamra à faire cette escale tunisienne. La Tunisie est un membre non-permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. En juin dernier, l'Egypte a saisi le président du Conseil de sécurité, lui exposant l'évolution du différend au sujet du grand barrage de la Renaissance et c'est la Tunisie, en sa qualité de membre du Conseil de sécurité, qui s'est chargée de transmettre la missive au président du Conseil de sécurité. Des sources diplomatiques rapportent que la Tunisie aurait pris fait et cause pour l'Egypte, s'alignant sur la position de la Ligue arabe, tournant ainsi le dos à un autre pays africain, l'Ethiopie. Les mêmes sources font savoir que le président de l'UA a regretté la non-neutralité de la Tunisie. C'est dans ce contexte que Ramtane Lamamra arrive à Tunis, dans le but de lever les équivoques et rapprocher les positions. Pays maghrébin, africain et arabe, l'Algérie appartient à un vaste ensemble d'entités et se sent directement concernée par tout ce qui se déroule dans cet ensemble. Après Tunis, le chef de la diplomatie algérienne entamera l'épineux dossier du grand barrage. Dans les questions de médiation, Lamamra n'est pas un novice. Il a suffisamment d'expérience et d'expertise qui font de lui un vrai gestionnaire des conflits internationaux. N'a-t-il pas été nommé au Conseil consultatif de haut niveau sur la médiation de l'Organisation des Nations unies (ONU)? N'est-il pas le haut représentant de l'UA « pour faire taire les armes en Afrique»?. Ensuite, la diplomatie algérienne a brillé dans le règlement de nombreux conflits internationaux: le différend irako-iranien, la crise des otages américains détenus à Téhéran, le règlement du conflit armé entre l'Ethiopie et l'Erythrée, de même qu'elle a réconcilié les tribus maliennes et facilité l'accord sur le nucléaire iranien.