La solitude et la désillusion amoureuse féconderont l'oeuvre de Munch qui s'attachera à peindre la tension qui existait entre lui et sa famille. Le ciné-club de l'association Chrysalide a présenté, vendredi dernier, à la salle Frantz-Fanon de Riadh El Feth, le dernier film entrant dans le cadre du cycle «Cinéma et Peinture». Edvard Munch, (1974) est un film de Peter Watkins d'une durée de 3h30 ; il raconte les années de jeunesse du peintre norvégien Edvard Munch, à partir de 1885 et ce, jusqu'à la révolution expressionniste dont il a été l'incontestable précurseur. Dans ce documentaire-fiction, Edvard Munch plus connu pour son tableau Le Cri, apparaît comme un être introverti, ne peignant que les drames qui ont jalonné sa vie. Drame, familial et amoureux. Edvard Munch, enfant est traumatisé par le décès de ses proches par la tuberculose. Plus tard, la maladie et la mort constitueront le catalyseur de ses moments de création. L'artiste, dans ses carnets personnels, avoue vouloir peindre «la tension qui existait entre lui et sa famille» Celle-ci, bourgeoise, conservatrice, s'opposait au mode de vie plus libertaire de leur fils. Dès lors, Edvard Munch, en s'éloignant de sa famille, une nouvelle perte pas bien assumée, vivra continuellement dans l'isolement... Une personne obscure qui retrouvait un semblant d'humanité chez cette maîtresse. Une force intérieure qui fécondera l'essentiel de la peinture de Munch et que Peter Watkins réussit à nous révéler. Sans intérêt pour les visages, la peinture de Munch traduira l'effacement des êtres marginalisés qui ne parviennent pas à jouir de leur vie mais plutôt sont nourris par le chagrin, la désillusion en amour, l'anxiété et la mélancolie, ce qui, d'ailleurs, est un des titres de ses tableaux. Une personne obscure qui ne retrouve un semblant d'humanité que dans les bras de cette maîtresse dont l'attachement tourne à l'obsession. L'artiste lui-même, qui vivait toujours avec la peur de la mort, avait demandé qu'on l'interne dans un asile psychiatrique....Un artiste incompris, marginalisé dans le temps par le public y compris par les critiques d'art. Il n'est pas sans rappeler l'autre artiste maudit, l'Autrichien, Egon Schiele, qui peignit beaucoup le sang et la solitude des êtres tourmentés, en prenant comme modèle ses soeurs dans des positions un peu douteuses. Il a, en particulier, étudié les attitudes de certains déments dans un asile psychiatrique. Ses peintures cherchent à provoquer le spectateur. Sur les trois films du programme ayant trait au cinéma et à la peinture, le film de Peter Watkins est de loin celui qui est parvenu à nous faire pénétrer le mystère de la création d'un artiste, en corrélation avec son univers psychique. A travers l'artiste, l'on comprend mieux l'oeuvre. Ceci est encore illustré par le superbe travail de montage du réalisateur qui fait appel à la juxtaposition d'images qui enfante du sens. La douleur est l'image la plus récurrente qui accompagnera tout au long du film le parcours de l'artiste que ce soit dans son entourage immédiat que dans son subconscient. Edward Munch conçu comme une poupée gigogne, tout le processus créatif de Watkins consiste dans le fait que pour appréhender Munch, il faut comprendre ses relations avec sa famille, avec son entourage (la bohème donc). Pour comprendre cette bohème, il faut saisir ce qu'était Kristiana à l'époque, au niveau culturel, artistique politique et religieux. Une révolte, aussi bien dans l'oeuvre de Munch, est discernable que dans cette forme quasiment unique dans l'audiovisuel de Watkins car filmée contre la monoforme et l'horloge universelle. Un film qui nous donne envie de mieux connaître l'artiste!