L'islamisme est en train de gagner des pans entiers de la société. Les Forces armées royales (FAR) marocaines ont défilé en grande pompe hier à Rabat. Portées par un souverain très «pointilleux» sur les équilibres militaires de la région, les FAR ont tenté une «démonstration de force» poursuivant un triple objectif. Il y a d'abord un message destiné à son voisin l'Algérie, histoire de rappeler l'importance de «la force de frappe» du royaume et le degré de «sophistication» de son armement. Il faut souligner à ce propos les réactions épidermiques de la monarchie alaouite à chaque achat d'armes par l'Algérie. La démonstration d'hier était donc destinée à montrer que le Maroc tenait à «l'équilibre des forces». Plus que cela, les exhibitions militaires sont censées démonter que le royaume n'avait rien à envier à son voisin immédiat. Il est vrai que durant la décennie 90, lorsque l'Algérie avait «un genou» à terre du fait des problèmes politiques et sécuritaires, le Maroc caressait le rêve de s'imposer auprès des partenaires occidentaux comme une puissance régionale incontournable. «Une opportunité» que le défunt roi Hassan II a exploité à fond, allant jusqu'à aider à «monter» de toutes pièces une bombe atomique algérienne. C'était en 1993. C'était également le début d'un travail de sape à l'échelle internationale, avec pour objectif de devenir l'interlocuteur idéal des Européens et Américains dans tout le Maghreb. L'affaire de l'attentat de Casablanca, en 1994, est tombée à «pic» pour diaboliser l'Algérie, en prétendant que la bombe a été déposée par les services secrets algériens. Une accusation accompagnée par l'établissement d'un visa d'entrée pour les Algériens dont l'humiliation de ceux qui étaient au Maroc au moment des faits. Isolée l'Algérie était une option stratégique pour le royaume alaouite qui voulait «cueillir le fruit», dont la «maturité» tardait tout de même à venir. Comptant sur l'affaiblissement de l'Algérie, Hassan II a tout tenté pour imposer «sa» solution au problème saharoui. A ce propos justement, le défilé d'hier se voulait comme un aperçu de la capacité de nuisance d'une armée qui pourrait être sollicitée en cas d'échec du plan onusien sur le Sahara-Occidental. C'est en fait une réponse aux menaces proférées par le président sahraoui, Mohamed Abdelaziz, de reprendre la lutte armée en cas d'abandon de l'option de l'autodétermination. Partiellement désavoué par la dernière résolution du Conseil de sécurité, le Maroc est dans un véritable cul-de-sac par rapport au problème sahraoui. Sa proposition d'autonomie élargie n'ayant pas été retenue, le palais royal est réellement dans une situation embarrassante. La recommandation onusienne de négociation directe entre le royaume et la République sahraouie n'est pas pour arranger ses plans, d'autant que la légalité internationale n'est pas du tout à son avantage. Ainsi, coincé entre une Algérie qui a repris sa place naturelle de leader régional et des territoires occupés réclamant légitimement leur indépendance, Mohammed VI n'a pas grand-chose à proposer à son peuple qui, désabusé par une politique qui le mène à l'impasse, tombe doucement mais sûrement dans le piège islamiste. En effet, le nombre de sujets marocains, de plus en plus nombreux, impliqués dans des affaires de terrorisme international, montre que le ver est bel et bien dans le fruit. Plus que cela, l'islamisme est en train de gagner des pans entiers de la société, devant une classe politique amorphe et incapable de prendre des initiatives novatrices. La progression du Parti pour la justice et le développement (PJD) d'obédience intégriste, qui a réussi de gigantesques manifestations contre un projet d'émancipation de la femme marocaine est témoin d'une tendance lourde à la radicalisations islamiste de la société marocaine. Des observateurs locaux prévoient une montée en puissance du PJD sur de nombreuses questions, notamment le dossier de l'éducation et la vente de boissons alcoolisées, un thème cher aux islamistes. Les mêmes observateurs n'écartent pas le succès d'une telle démarche, tellement la situation sociale laisse à désirer. En effet, la paupérisation gagnant du terrain, il y a fort à craindre une explosion sociale qui profiterait d'abord au PJD. Pour faire face à ce triple échec de sa politique tant intérieure qu'extérieure, le roi Mohammed VI veut donner aux Marocains l'illusion de vivre dans un pays puissant qui dispose d'une armée moderne. Il est clair que les sujets marocains seront bernés par le caractère festif du défilé, mais jusqu'à quand?