Le 15 août, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, sera de retour à Alger, où sa dernière visite remonte à janvier 2020. Sont prévus des entretiens avec le ministre des AE et de la Communauté nationale à l'étranger, Ramtane Lamamra, ainsi qu'une audience accordée par le chef de l'Etat, Abdelmadjid Tebboune. Mais cette nouvelle visite aura une dimension et une importance particulières, dans le contexte régional et international actuel, les relations bilatérales entre les deux pays revêtant, quant à elles, de réels motifs de satisfaction. En quelques années à peine, les deux pays ont, en effet, accru leur niveau de coopération et de partenariat stratégique, de sorte que les investissements turcs sont évalués à plus de 3,5 milliards de dollars et se classent au premier rang des IDE dans notre pays. Si la pandémie de Covid a quelque peu freiné l'élan, elle ne l'a pas pourtant amoindri et Ankara veut poursuivre l'embellie économique en portant ce chiffre à des niveaux jamais atteints, grâce aux accords de coopération conclus en 2020. Outre le volet économique, l'Algérie et la Turquie ont langue sur des sujets qui intéressent la région maghrébine et sahélienne ainsi que la Méditerranée et l'Afrique. Dans ce cadre politico-diplomatique, les concertations sont de la plus haute importance et c'est la raison de la visite de Cavusoglu à Alger, au moment où les pressions sont devenues extrêmes pour un retrait des mercenaires et forces étrangères de la Libye afin d'appliquer la feuille de route pour une sortie définitive de la crise, arrêtée par le Forum de dialogue politique interlibyen (FDPL) à Tunis, sous l'égide de l'ONU. L'Algérie qui a constamment accompagné et soutenu l'action onusienne et qui n'a jamais cessé d'agir en faveur d'un retour de la paix et de la sécurité, conditions basiques de la souveraineté restaurée, au profit du peuple libyen frère, est donc approchée pour une raison précise.A plusieurs reprises, les dirigeants libyens issus du FDPL, que ce soit le gouvernement d'union conduit par Abdelhamid Dbeibah, ou le Conseil présidentiel dirigé par al Manfi, ont exigé le retrait des forces étrangères et des mercenaires afin que les élections de décembre prochain puissent avoir lieu dans un contexte apaisé. Si du côté de l'ANL autoproclamée du maréchal Haftar, il n'y a aucune équivoque (nombreux sont les mercenaires tchadiens, soudanais et russes qui la composent), il semble que les forces loyales à l'ancien GNA de Hafez al Serraj (Tripoli) posent problème. La Turquie qui refuse un quelconque retrait de son corps expéditionnaire et bénéficie du soutien de certains responsables libyens en la matière argue d'un accord intergouvernemental, en bonne et due forme, avec Al Serraj. En janvier 2020, Cavusoglu avait précédé de peu, la venue à Alger de Fayez al Serraj, en quête d' une solution politique à la crise libyenne. A cette occasion, ils ont, l'un comme l'autre, reçu le même message de la diplomatie algérienne qui, des années durant, a toujours défendu un dialogue inclusif entre toutes les parties libyennes, sans exception, et rejeté avec force toute ingérence étrangère, d'où qu'elle vienne. C'est dire si le départ des mercenaires et des troupes étrangères reste l'une des exigences de l'accord de cessez-le-feu, signé le 23 octobre 2020 entre les parties belligérantes, et justifie les demandes incessantes du gouvernement d'union libyen et des instances internationales, notamment l'ONU, l'UA et l'UE, même si sa mise en oeuvre s'avère encore compliquée. Si d'autres sujets seront évoqués, comme la situation en Tunisie, où Ankara soutient sans réserve le parti Ennahdha et Rached Ghannouchi, tout en dénonçant «un coup d'Etat» du président Kaïs Saïed, au Sahel en proie au terrorisme et dans la sous-région maghrébine, bousculée par l'expansionnisme du Makhzen, il est clair que la question libyenne sera au centre des discussions entre Lamamra et Cavusoglu.