En ce matin de jeudi les habitants de Tifra et d'Akfadou deux communes situées en bas de la forêt d'Akfadou, vaquaient à leurs occupations quotidiennes après une nuit marquée par les préparatifs de solidarité et la collecte de dons pour les régions voisines de Tizi Ouzou ravagées par les feux depuis plusieurs jours. Au matin, personne ne s'attendait au déclenchement des feux dans les localités. Les cellules de veille installées dans les différents villages étaient aux aguets. Une certaine sérénité régnait dans ces localités. Dans les lieux publics, on évoquait la dramatique journée de mercredi, marquée par le décès par asphyxie, de quatre membres d'une même famille au village Aït Sidi Ali dans la commune de Barbacha et la mort d'un jeune homme âgé d'à peine 40 ans de brûlures alors qu'il passait sous un arbre calciné. La branche qui s'est détachée de l'arbre lui a été fatale. On abordait également la situation de la commune de Toudja, où quatre hélicoptères de la Protection civile et l'ANP entraient en action pour combattre sans merci un incendie qui menaçait sérieusement le village Ibelhadjen. Des dizaines de familles ont été évacuées par les citoyens bénévoles, la Protection civile et les services de sécurité. Feraoun, Oued Ghir, Adekar, Aokas, Boukhlifa... sont d'autres localités encore touchées par les incendies, qui n'échappaient pas aux discussions entre les villageois. La vigilance est de mise Soudain c'est l'alerte. Il était 9 h 30 mn. Sur les réseaux sociaux, des appels se multipliaient annonçant le départ d'un feu non loin du village Ibourayen, situé entre les frontières de trois communes Akfadou, Tifra et Tinebdar. Parti d'une décharge publique sauvage, le feu s'est déclenché au moment de la relève entre les équipes de veille du village. Un moment d'inattention fatal. Mais la mobilisation est là. Fidèles à leurs traditions, les habitants des différents villages se mobilisèrent spontanément. Armés de pelles, de pioches et d'autres moyens de désherbage, le rassemblement s'est vite constitué, autour du feu, qui a déjà pris de l'ampleur menaçant le village Ibourayen. Grâce aux réseaux sociaux, l'extinction des flammes a été prise en charge par les villageois. On dresse des tranchées notamment autour du village le plus menacé. Entre-temps, des camions- citernes des APC, arrivaient sur les lieux, suivis des sapeurs-pompiers. Les vendeurs d'eau potable, trop nombreux dans la région, s'invitent eux aussi avec leurs chargements. La route principale est fermée n'ouvrant de passage qu'aux moyens d'intervention. L'organisation est conçue pour empêcher les flammes d'atteindre les habitations. Et c'est là que le gros des efforts et les interventions étaient concentrés. Il aura fallu plus de 4 heures pour venir à bout des flammes. Mais on ne quittait pas les lieux. La vigilance restait de mise car les flammes peuvent à tout moment repartir à cause des braises encore fumantes. C'est en quelque sorte un moment de répit, qui relance les débats sur ce qui se déroule dans la région de Kabylie. Yazid semble tout savoir. Un groupe de volontaires l'écoutait patiemment sur cette crête dominante lorsqu'une voix s'élève pour signaler un autre feu qui arrivait du côté d'Adekar. Il se faisait menaçant, commente Farid, un jeune du village Zioui. Des contacts sont immédiatement établis avec les villageois d'Aït Mahiou, Tasga, Taourith Ouaïssa et Aït Achour. Ils sont déjà sur place, indique Madjid. On décide alors de s'y rendre, tout en prenant le soin de maintenir des équipes de veille sur les lieux. Au douar Ikdjane, qui regroupe les villages cités, un travail gigantesque a été accompli. Fort des leçons passées, les villageois ont entrepris de désherber assez large pour stopper la progression des flammes. On envisageait de possibles départs de feu pour contrecarrer les gigantesques flammes qui arrivaient au douar. Une technique héritée des pratiques ancestrales de lutte contre les incendies, avant l'existence des services des pompiers. Précieux renforts des Canadairs Puis soudain, des avions jaunes sont aperçus dans le ciel enfumé. Ce sont les Canadairs s'écrie-t-on avant qu'un premier largage d'eau n'arrive sur les flammes, dégageant une grosse fumée témoignant que la cible est atteinte. Après le passage de l'hélicoptère de reconnaissante, les Canadairs suivent par alternance étouffant davantage les flammes, qui dépassaient, selon les appréciations des villageois, plus de 30 mètres de hauteur aidées par un vent qui favorise leur progression. Un ouf de soulagement. On se remet à discuter de la situation des autres régions, notamment la commune de Toudja d'où parvenaient des nouvelles toutes aussi positives. Les Canadairs sont passés par là. Du côté des communes de Barbacha et de Boukhlifa, des incendies étaient en activité. La nuit tombait sous un ciel rougeâtre, qui illustre l'importance des feux du jour un peu partout dans la wilaya. De retour à Béjaïa, les cendres pénétraient par les fenêtres emportées par le vent. Hier encore, des départs de feu étaient signalés dans les communes de souk Oufella et de Chemini. En dépit de la création des cellules, les feux sont partis quand même. La situation commence à se stabiliser progressivement au niveau de la commune de Barbacha. Les feux sont éteints vers 2h du matin grâce à la mobilisation des agents de la Protection civile, des forestiers et des citoyens venus des différentes communes. Fort heureusement, il n'y a pas de nouvelles pertes humaines. La RN75 est ouverte à la circulation. La vigilance est tout de même recommandée. Les villageois de Tardem, commune de Toudja, sollicitent les différents volontaires pour une intervention rapide, afin de faire face au danger qui guette leurs maisons en raison des feux de forêt qui ne cessent de s'amplifier. Le collectif des habitants de Barbacha, appelle toutes les autorités à dépêcher les Canadairs en urgence à Barbacha et à Toudja où des villages entiers sont encerclés par des feux, les habitants fuient leurs maisons. Les deux Canadairs continuent à survoler les régions touchées à Béjaïa par les feux de forêts. Takamra à Adekar,Ibarissen, Laâzib, Achelouf Talahiba, Oued Dass dans la commune de Toudja, ainsi que le massif forestier de l'Akfadou, sont arrosés à un rythme de plus en plus soutenu. Mais la vague de chaleur qui a repris de plus belle, hier, à Béjaïa n'a pas facilité les choses. Dans tous les cas de figure, aucune victime n'a été enregistrée, ces deux derniers jours.