L'Afghanistan est plongé dans une situation opaque, caractérisée par une foule immense agrippée aux barrières de l'aéroport de Kaboul où elle tente de prendre d'assaut des avions américains et autres pour fuir le régime des talibans mais aussi par un pays profond d'où parviennent de rares et terribles informations sur les dérives des vainqueurs à l'encontre de civils soupçonnés de collaboration avec les contingents occidentaux. Outre les mariages forcés de nombreuses adolescentes avec les combattants du mouvement taliban, il y a cette tendance à exécuter de manière expéditive des hommes dont rien n'indique qu'ils sont coupables de quoi que ce soit. Un arbitraire barbare et d'autant plus criminel qu'il se déroule dans un jeu d'ombres totales. Hier, des échanges de tirs ont eu lieu à l'aéroport de la capitale afghane au moment même où le président américain Joe Biden, confronté à de virulentes critiques sur sa stratégie de retrait, laissait entendre qu'il pourrait maintenir des troupes après l'échéance annoncée du 31 août prochain. Les soldats US et allemands auraient eu un accrochage avec des «inconnus» qui ont tué un garde afghan et blessé trois autres, un bilan qui vient aggraver celui des sept Afghans trouvés morts samedi dernier, sans doute broyés par la foule qui se presse aux abords des accès de l'aéroport, dans l'espoir d'un hypothétique embarquement. Plus que laborieuses, les opérations d'évacuation de diplomates, concitoyens et autres employés afghans que mènent les puissances occidentales, dans une pagaille extrême, se heurtent à l'activisme des talibans qui contrôlent les voies d'accès et filtrant le passage en fonction de listes de «collaborateurs» établies par avance, ce qui rend encore plus incertaine la démarche des dirigeants américains, contraints d'envisager une présence au-delà des délais prévus. «Il y a des discussions en cours entre nous et l'armée au sujet de la prolongation. Nous espérons ne pas avoir à prolonger, mais il y aura des discussions, je suppose, sur l'état d'avancement du processus» d'évacuation, a déclaré dimanche le président américain, Joe Biden. De leur côté, les responsables talibans multiplient les discours de bonne volonté afin de rassurer la population sur la suite des évènements, affirmant que leur doctrine s'est quelque peu assagie et que leur régime se montrera moins brutal que par le passé. En vain, car les Afghans et surtout les Afghanes gardent en mémoire les abus et les atrocités commises entre 1996 et 2001 lorsque les talibans étaient maîtres de l'Afghanistan martyr. A une semaine exactement du 31 août, les Etats-Unis ont évacué environ 30 300 personnes, sur les 75 000 personnes dont 15 000 Américains en attente à l'aéroport. S'y ajoutent 2500 évacuées par l'Allemagne et 5700 par le Royaume-Uni, ce qui a conduit le chef de la diplomatie européenne à reconnaître qu'il sera «impossible» de mener l'opération à son terme. Les images déchirantes et les scènes douloureuses vont ainsi jalonner la suite des évènements pendant des jours et des jours.