Les signataires demandent à la France des dédommagements. Les faits sont les suivants. La chute de Napoléon a laissé la Grande armée en déroute, humiliée, en guenilles, un royaume sorti des ruines de la révolution puis rétabli, un peuple affamé...Quinze années plus tard, la déliquescence de l'Etat atteint un seuil intolérable. On est en 1830. Le pays est endetté. En face, il y a un pays riche mais ne disposant pas d'armée à proprement parler capable de tenir tête à la Grande armée. D'autant que ce pays est le principal créancier. La tentation devient très forte. Les négociations avec les Algériens sont surchauffées. Le dey d'Alger s'emporte et frappe le consul français de son «chasse-mouches». Le roi Charles X envoie ses troupes sur le flanc ouest d'Alger. L'histoire officielle retiendra «le coup de l'éventail». Me Benbraham est catégorique: «C'était un chasse-mouches. Le président Chirac nous l'a remis avec le sceau du dey d'Alger. Il se trouve au musée de l'Armée. Vous pouvez aller le voir.» Il y a aussi la guillotine de Serkadji.Ce sont là les rebondissements de l'histoire. Aucun livre d'histoire ne vous dira que la France est devenue un pays riche après avoir pillé l'Algérie pendant 132 ans. Et personne ne vous parlera des frères Bacri et Bouchnak. Peu de gens ont lu Hamdane Khodja qui rapporte fidèlement les péripéties de la conquête d'Alger et le génocide perpétré contre le peuple algérien. Mieux, amnésiques jusqu'à la corde, ils votent une loi glorifiant le colonialisme en Afrique du Nord, tout en dénonçant -SVP- le génocide arménien. Hier, s'est tenue à Alger une rencontre des initiateurs de «L'appel pour la décolonisation des relations algéro-françaises». Me Benbraham, porte-parole du groupe, n'a pas pris de gants pour dresser le réquisitoire du colonialisme français en Algérie. Lorsque Mme Louisette Ighil Ahriz -présente dans la salle-soulève la question de viol et de torture devant les tribunaux français, elle ne dispose d'aucune preuve, affirme Me Benbraham avant de s'engager dans le labyrinthe juridique: «Elle ne peut donc prouver quoi que ce soit parce que les archives ont été volées. Il y a eu une razzia entre 1961 et 1962. Toutes les archives ont été embarquées. Il s'agit de nos archives». Bien sûr, ils ont fait des lois, «leurs lois», pour interdire l'ouverture de ces archives pendant 100 ans depuis la date de recensement. Le nombre des signataires de l'Appel est de 17.000 dont le dixième est constitué d'avocats. Il y a parmi les signataires beaucoup de Français et des émigrés. «L'instance» -elle préfère cette dénomination- a adressé une lettre au président Chirac et une autre au président Bouteflika, par le biais desquelles elle exprime son soutien au président «quant à l'impossibilité de concevoir la signature du traité d'amitié entre l'Algérie et la France avant la reconnaissance officielle par l'Etat français de sa responsabilité historique, politique, juridique et morale dans les crimes abominables perpétrés à l'encontre de la nation algérienne tout au long de l'ère coloniale». «Aussi, n'est-il pas du droit du peuple algérien d'exiger dédommagement pour les pillages, l'expropriation des Algériens de millions d'hectares et la destruction des wakfs islamiques ainsi que le pillage organisé et orchestré des ressources nationales pendant 132 ans», précise le texte de l'Appel. Me Benbraham, encadré par Bensaïd -président de la Fédération des enfants de chouhada -et Ferrad- ancien député du FFS- tous deux fils de chouhada, annonce que les avocats se sont constitués pour porter l'affaire «Algérie-France» devant les tribunaux internationaux. Forts du soutien populaire, les signataires se disent confiants parce qu'ils vont faire sauter les verrous qui interdisent l'accès aux archives. Dès lors, ils pourront plaider la cause de leur pays. Sur le plan juridique, l'affaire est jouable. Il y a quelques années la Suisse avait demandé réparation à la France pour dégâts matériels commis lors du passage de l'armée napoléonienne sur son territoire.