C'est ce bédouin qui a fait capituler la Suisse, dompté le gouvernement écossais et arraché l'essentiel à l'Italie de Berlusconi. Entre Berne et Tripoli, les relations se gâtent. Une semaine après l'appel au djihad contre la Confédération suisse lancé par son président Mouamar El Gueddafi, la Libye a décrété, mercredi dernier, un embargo économique et commercial à la Suisse. Cette décision intervient, selon Tripoli, après le vote de la Confédération suisse en faveur de l'interdiction de construction de minarets dans le pays. «Le Comité populaire général a décidé un embargo économique et commercial de l'Etat suisse impliquant les secteurs publics et privés», annonce un communiqué repris par l'agence officielle libyenne Jana. «La décision constitue une réponse à l'appel du frère dirigeant de la Révolution», a ajouté le même communiqué. De ce fait, Tripoli renonce, du moins, officieusement, à des «projets d'électricité et autres» avec des entreprises suisses. Evidemment, ce ne sera pas la Libye qui va trinquer dans cette affaire. Tripoli affirme avoir trouvé des solutions de remplacement pour ses importations de médicaments, de matériel et d'équipements médicaux de Suisse. Ce sont les 30% du pétrole importé par Berne de Tripoli et les 156,2 millions de francs suisses soit 16,7 millions d'euros qui vont échapper à la Suisse. Cette dernière a minimisé l'annonce de l'embargo sur ses produits par la Libye, y voyant une nouvelle «gesticulation» du Guide libyen alors que les échanges entre Berne et Tripoli sont déjà très réduits.Voilà donc un bédouin avec quelques lopins de désert et 6 millions de personnes, qui défie la Suisse. Il multiplie les tours de force et les «triomphes diplomatiques» sous le regard jaloux de tous les chefs d'Etat arabes qui n'arrivent pas à redresser l'échine sous le poids des humiliations qu'ils subissent de toutes parts. C'est ce bédouin qui a fait capituler la Suisse, dompté le gouvernement écossais et arraché l'essentiel à l'Italie de Berlusconi. En juillet 2008 à Genève, l'un des fils du colonel El Gueddafi. Hannibal El Gueddafi et sa femme ont été interpellés dans un palace genevois pour mauvais traitements présumés envers deux domestiques. Hannibal était ressorti de son hôtel menottes aux poignets tandis que son épouse, enceinte, était transférée dans une maternité. Les autorités libyenne y ont vu une humiliation. Les mesures de rétorsion s'en sont alors suivies: la Libye suspend ses fournitures de pétrole à la Suisse et retire plus de cinq milliards d'actifs qui étaient déposés dans des banques suisses. Il a fallu, après négociations et des excuses officielles du président suisse, pour que la situation se rétablisse. El Gueddafi a fait libérer Abdelbasset Ali Al Megrahi, le Libyen condamné à la prison à perpétuité pour l'attentat de Lockerbie en 1988. Le leader libyen a également soldé ses comptes avec l'Italie qui va verser à la Libye cinq milliards de dollars sur les vingt-cinq prochaines années. Une forme de dédommagement pour la période coloniale, qui dura de 1911 à 1942. Que demandent les populations arabes souvent bannies et humiliées dans les capitales occidentales, sinon un défenseur, fut-il un bédouin? Insatiable, le chef d'Etat le plus excentrique remet une couche à son conflit avec la Suisse qui repart de plus belle avec cet embargo. Il y a quelques jours, El Gueddafi a appelé au «djihad» (guerre sainte) contre la Suisse, qu'il avait qualifiée d'Etat infidèle qui détruit les mosquées. Un appel violemment contesté par les autorités libyennes soutenant que le Guide n'a pas appelé à une lutte armée.