L'accord d'association avec l'UE est un acte politique fort, mais les Européens ne nous ont pas fait de cadeau. Après une décennie d'isolement, il était important que l'Algérie reprenne sa place au sein des instances internationales, et la signature de l'accord est un signal en direction de tous ceux qui croyaient que l'Algérie était condamnée à pratiquer la politique de la chaise vide. Ainsi, la conférence animée par le ministre de l'Industrie et de la Restructuration a donné lieu à un débat intéressant avec des chefs d'entreprise et des opérateurs économiques, d'où il ressort que le gouvernement a fait ce qu'il fallait faire sur le plan politique pour finaliser cet accord avec l'UE, mais que ce dernier suscite, à la fois, espoirs et inquiétudes, deux sentiments légitimes. La question qui se pose est de savoir si nous avons les hommes qu'il faut pour mettre en oeuvre toutes les clauses de l'accord. Par rapport aux pays européens, il est à se demander si l'Algérie dispose des managers et des opérateurs capables d'éventer toutes les ficelles et chicanes contenues dans l'accord. L'Université algérienne est-elle prête? Forme-t-elle les hommes et les femmes en qualité et en quantité suffisantes? Et cet intervenant de citer, à titre d'exemple, le cas du tarif douanier, où l'on peut déplorer que nos négociateurs avaient privilégié une stratégie à court terme au détriment d'une vision à long terme. «Nous accordons aux pays de l'UE des taux préférentiels sans contrepartie, sans compensation, et la preuve nous a été donnée par le programme Meda, dans lequel l'Algérie a obtenu la portion congrue, comparativement à l'importance de notre tissu industriel, mais aussi par rapport à des pays qui sont loin d'avoir les capacités de notre économie ni un marché aussi important que le nôtre.» Et le même intervenant, qui se présente comme un expert qui a travaillé au sein des instances internationales comme le Gatt, de souhaiter que les correctifs au code douanier sur lesquels se penche un comité mis en place au niveau interministériel soient apportés dans le cadre d'une vision à long terme. Nous venons d'accorder à l'UE un marché de trente millions de consommateurs, un espace aérien, des zones franches, et beaucoup d'autres avantages, et il est impératif que l'Algérie en tire les dividendes et que cela ne soit pas un marché de dupes. «Il y a des manques trop graves dans le domaine de la communication», affirme-t-il. En d'autres termes, la suite des négociations pour la mise en oeuvre de l'accord d'association doit se faire avec la participation éclairée des acteurs économiques et sociaux, surtout si l'on veut ne pas rééditer le syndrome argentin. Le voile doit être levé sur les zones d'ombre qui peuvent avoir des effets négatifs sur le développement économique et social du pays. Auparavant, M.Menasra avait fait une intervention sur l'impact de l'accord d'association sur le secteur industriel, intervention dans laquelle il a relevé que l'accord a suscité, dans les milieux politiques, sociaux et économiques des réactions diverses et contradictoires. Abordant une lecture du volet économique de l'accord, M.Menasra note qu'il distingue trois listes de produits. Primo ; les matières premières dont les droits de douane seront immédiatement supprimés dès l'entrée en vigueur de l'accord, et qui représentent 25% de nos importations des pays de l'UE.. Pour le ministre, cela se répercutera positivement sur le secteur industriel utilisateur de ces produits comme intrants. Secundo, les produits semi-finis et les équipements industriels qui représentent 35% des importations algériennes des pays de l'UE, pour lesquels le démantèlement commencera deux années après l'entrée en vigueur de l'accord et s'étalera sur une période de cinq années, à raison d'une réduction de 20% chaque année. Tertio, les produits finis représentant 40% de nos importations des pays de l'UE pour lesquels le démantèlement tarifaire prendra effet deux années après l'entrée en vigueur de l'accord et s'étalera sur dix ans à raison d'une réduction de 10% chaque année. Ainsi, au terme de la période de douze années, nous aboutirons à la zone de libre-échange. Cela dit, un certain nombre de mesures de protection ont été prévues par l'accord, pour revoir le calendrier du démantèlement tarifaire en cas de problèmes graves: majorer les droits de douane dans des cas précis, protéger les industries naissantes, les branches industrielles en cours de restructuration, les filières industrielles faisant face à de sérieuses difficultés. Cela sera également le cas si l'Algérie constate des pratiques de dumping, de subvention aux produits importés de l'UE. Sur un autre plan, le ministre ne manque pas de renvoyer la balle dans le camp de l'UE, faisant remarquer au passage que les choses ne vont pas comme il se doit en ce qui concerne le programme Meda. On remarque, par exemple, qu'aucun résultat concret et clair n'a été réalisé sur Meda1, alors même que les discussions sur Meda 2 ont été largement entamées. Lorsqu'on parle de l'accord d'association, il y a donc à boire et à manger. L'Algérie a des atouts et des exigences à faire valoir, et il appartient aux experts et aux négociateurs de savoir les mettre en avant pour tirer le meilleur profit de l'accord d'association.