À trop vouloir jouer avec le feu, on finit par se brûler les doigts. Le Maroc, qui a fait de la culture du cannabis une de ses principales ressources en devises, l'apprend à ses dépens, le vit dans sa chair. Cette juteuse activité, qui avait pour objectif d'acheter la paix sociale dans le Rif, région traditionnellement frondeuse, opposée au trône alaouite et principale productrice de haschisch, n'a pas tardé à étendre ses tentacules. Elle montre que derrière le «trafic» qui devait en découler, de source, se cachaient des bandes criminelles organisées, qui se tiennent prêtes à éliminer des personnalités étrangères de premier plan dans leur propre pays. Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, est dans leur viseur. Des guetteurs qui auraient été repérés à plusieurs reprises non loin de son domicile, l'ont pris en filature. À quel gang appartiennent-ils? La mafia marocaine de la drogue, connue sous le sinistre pseudo Mocro Maffia, est derrière les menaces d'attentat ciblant, ces derniers jours, le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a révélé, lundi, le quotidien néerlandais De Telegraaf. La mafia marocaine a été à l'origine de l'assassinat, en juillet dernier, à Amsterdam, d'un célèbre journaliste d'investigation, Peter R. de Vries et de l'avocat Derk Wiersum, abattus en pleine rue à Amsterdam, il y a 2 ans. La Mocro Maffia est un des gangs qui donnent le plus de fil à retordre aux autorités néerlandaises. Il est aussi établi que ses membres entretiennent des liens avec les cartels colombiens pour importer de la drogue aux Pays-Bas. «La plupart des grandes expéditions de haschisch marocain à destination de l'Europe sont transportées par bateaux à moteur et par d'autres petites embarcations... compte tenu de sa situation géographique et de ses infrastructures de transport, le Maroc sert de zone de transbordement pour la cocaïne en provenance d'Amérique latine qui est introduite clandestinement par l'Afrique de l'Ouest pour l'acheminer vers l'Europe», soulignait le rapport du département d'Etat américain sur «la stratégie de contrôle international des narcotiques», publié le 12 mars 2013. Le caractère violent des barons marocains de la drogue ne peut cependant occulter que ces derniers sont à l'origine de réseaux de corruption et de clientélisme qui ont gangrené jusqu'aux plus hauts niveaux des autorités de l'Etat. Il n'y a pas, en effet, que du menu fretin. Gendarmes militaires, hommes politiques... ont été et sont encore impliqués. Le PJD, ex-parti au pouvoir de l'ex-chef du gouvernement marocain, Abdelilah Benkirane, qui a fait de la moralisation de la vie publique son cheval de bataille a été éclaboussé. Le tribunal de Casablanca avait condamné un cadre local du Parti de la justice et du développement (PJD), le parti islamiste au pouvoir au Maroc, à 6 ans de prison ferme pour sa participation à un réseau international de trafic de drogue, avait rapporté en 2013 la presse Marocaine. Trois de ses complices, tous marocains résidents en France, ont écopé de peines de 4 à 5 ans de prison. Ils ont été arrêtés au mois de janvier 2013 à l'aéroport de Casablanca. Ils avaient dans leur estomac, 429 capsules de cocaïne pure. Une affaire, loin de représenter un simple fait divers. Au mois de janvier 2009, 96 personnes, bon nombre d'entre elles appartenant aux Forces armées royales marocaines, ont été mises en examen, suite au démantèlement d'un important réseau de trafic de drogue entre le Maroc, la Belgique et les Pays-Bas via l'Espagne. 26 civils, 29 éléments de la marine royale, 17 gendarmes, 23 éléments des forces auxiliaires et un soldat, figuraient parmi les prévenus. Un commandant, neuf gradés et un gendarme, se sont retrouvés au milieu de réseaux de narcotrafic et de filières de migration clandestine au mois d'avril 2012, avait fait savoir le ministère marocain de l'Intérieur. «Il ne fait aucun doute que les marchés des drogues illicites sont l'une des principales menaces pour la sécurité de l'UE», avait averti le rapport de 2016 sur les marchés des drogues dans l'Union, soulignant que le royaume est le principal pourvoyeur du Vieux Continent en résine de cannabis. L'affaire du Premier ministre néerlandais réactive cette alerte.