Les propos d'Emmanuel Macron sur l'Algérie, son président, son armée et son Histoire ne sont pas innocents. Le président français a fait toute une mise en scène, avant de lancer son attaque «médiatico-électoraliste», plongeant les relations entre l'Algérie et la France dans une crise inédite. Candidat à sa propre succession, même s'il ne l'a pas encore annoncé officiellement, Macron a, non seulement, foulé aux pieds usages et normes diplomatiques, mais a fait carrément dans la provocation. Il ne s'est pas suffi d'un dérapage sur le système algérien, qu'il qualifie de «système politico-militaire fragile et fatigué, vivant sur la rente mémorielle», mais a revêtu l'habit du révisionniste, en affirmant que l'Histoire de l'Algérie et de sa guerre de libération contre la France coloniale ne s'appuie pas sur des vérités, mais sur de la «désinformation» et de la «propagande» turques. Macron s'est même autorisé une impertinence, en mettant en doute l'existence d'une nation Algérie. S'il était, certes, attendu que la question mémorielle entre l'Algérie et la France, l'immigration ou encore l'Islam, s'invitent dans la présidentielle en France et qu'il pouvait être digéré, même en haut lieu, que le «candidat» Macron puisse égratigner l'Algérie, pour tirer le tapis sous les pieds de ses concurrents de l'extrême droite, il n'était cependant pas attendu que le président français tombe aussi bas, en niant des vérités historiques et en se désavouant lui-même. Les échanges du président français avec les descendants des acteurs de la guerre de Libération nationale qu'il a, spécialement, invités à l'Elysée pour faire son «show», ont constitué une grande surprise à Alger car, Macron avait habitué l'assistance à un discours modéré et soigneux. Avant même son élection, en 2017, il avait gagné la sympathie des Algériens en dénonçant «le crime contre l'Humanité» de la France coloniale. Elu, les relations entre les deux pays sont devenues plus soutenues, puisque Macron a accompli plusieurs gestes en faveur d'une réconciliation des mémoires, a apporté son soutien au président Tebboune, qu'il appelait presque, mensuellement, pour suivre le dossier mémoriel. L'élection d'avril peut-elle, à elle seule, expliquer le revirement du président français? Evidemment pas! Plus que le rendez-vous électoral, derrière l'attaque frontale qu'a menée l'occupant de l'Elysée, il y a une prise de position en faveur du Maroc. Le royaume, allié de Paris, semble demeurer sous son protectorat. Macron s'est alors senti obligé de réagir après la décision de l'Algérie de couper ses relations avec son voisin de l'Ouest, de lui fermer le robinet du gaz et de lui interdire son ciel. Une façon de montrer son désappointement de voir son «protégé» malmené. C'est aussi une manière de vouloir «domestiquer» l'Algérie, restée dans l'esprit des nostalgiques de l'Algérie française, à tort évidemment, comme «un département outre-mer». L'Algérie, ce Paradis perdu, est restée en travers de la gorge des Français révisionnistes qui nient l'existence d'une nation Algérie, son Histoire qui remonte à des millénaires, ses héros et ses millions de martyrs. En fait, c'est exactement ce que la France officielle cherche à cacher, aujourd'hui. En déniant à l'Algérie son existence et en mettant en doute les vérités de la guerre de l'Indépendance de l'Algérie, Macron cherche juste à absoudre la France de ses crimes coloniaux et de ses massacres qui étaient, il faut le dire, un abominable génocide. Il suffit de rappeler pour s'en convaincre, les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, les enfumades qui ont décimé des tribus entières, les fours à chaux de Guelma ou encore le gazage des habitants du Dahra. «Cachez-moi ce sein que je ne saurai voir», semble dire le président français qui refuse de regarder les mains tachées de sang de la France coloniale et préfère parler de «désinformation» et «propagande». C'est une attitude schizophrénique. Le président français croit donc, avoir touché plusieurs cibles, avec un seul tir. Il a considéré que l'Algérie pouvait être facilement agressée pour en premier, servir ses intérêts électoraux, en second, fuir son engagement envers la réconciliation de la mémoire et enfin, honorer son rôle de protecteur et de big brother envers le Maroc. Macron pense peut-être, que les choses pourront facilement être réparées, une fois réélu. Il se trompe lourdement.