Ce penseur est venu à un moment où personne ne s´inquiétait des immigrés, ni ne s´intéressait aux personnes déplacées. Parler aujourd'hui de la sociologie, c'est inéluctablement revenir sur l'oeuvre du sociologue français Pierre Bourdieu. La vie et l'oeuvre de ce penseur qui a révolutionné la sociologie moderne seront passées en revue samedi prochain au terme du colloque international qui lui sera consacré par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques «Cnrpah». «Ce grand intellectuel et penseur, décédé en 2002 a commencé sa carrière scientifique à Alger», a souligné le directeur du Cnrpah, M.Slimane Hachi, hier lors de la conférence de presse animée pour présenter les grandes lignes de ce colloque international de trois jours. Lequel colloque sera animé par des chercheurs issus de différentes nationalités: de France, d'Egypte, d'Iran, du Maroc, du Brésil et bien sûr on compte sur la participation des chercheurs algériens. Le début de sa carrière scientifique donc, il l'a entamée en Algérie, en 1955. Il y était venu alors dans le cadre de son service militaire qu'il a effectué au siège du gouvernement général de l'Algérie. Il a réalisé ses premiers travaux entre 1959 et 1960, et ce, sur les centres et villages de regroupement. Il est vrai que ce penseur de renommée internationale a donné énormément pour l'Algérie, il nous est permis toutefois de nous interroger sur les motivations de lui consacrer, maintenant, un colloque de surcroît international. D'autant plus qu'à l'époque où nous vivons, on est beaucoup plus habitué à ce genre d'initiative suivant les occasions. Cependant, ce n'est pas ce qui motive le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques. Selon son premier responsable, en l'occurrence M.Hachi, «ce colloque est organisé parce que l'Algérie doit maintenant se questionner sur elle-même». C'est un argument qui tient la route, d'autant plus que pour les Algériens, l'histoire a de tout temps été écrite par les étrangers. On se voit, par ce fait, à travers le regard de l'autre. Mais l'autre n'écrit notre histoire que selon sa propre vision des choses qui, dans la plupart des cas, s'avère partiale et partielle. En outre, ce qui a motivé les organisateurs à parler de Bourdieu, c'est que «ce penseur est né sur le terrain algérien. Il a travaillé sur notre société dans toutes ses facettes y compris dans le domaine des arts plastiques», a tenu à rappeler M.Hachi. Et d'ajouter: «Bourdieu a abordé tous les aspects de la vie des Algériens alors que notre pays était en pleine guerre de Libération nationale». En outre, si Malraux croyait dur comme fer qu'«il n'y a pas de grandes personnes», Pierre Bourdieu lui soutient fermement que «c'est les petits qui avancent». C'est suivant cette thèse qu'il s'intéresse aux «petits» peuples. «Le livre Le déracinement qu'il a écrit avec le grand sociologue algérien, malheureusement méconnu chez nous, feu Abdelmalek Sayad, est la preuve de cet intérêt», a souligné le sociologue Kamel Chachoua, premier responsable de ce colloque. En effet, le parcours de Pierre Bourdieu était étroitement lié à celui de Sayad. Dans l'hommage qu'il lui a rendu sur les colonnes de Libération, Bourdieu écrit: Venu en un temps où personne ne s´inquiétait des «immigrés», ni ne s´intéressait à ces «personnes déplacées», il a rappelé d´emblée qu´ils étaient aussi, et peut-être avant tout, des émigrés et que l´on avait quelque chance de comprendre leur destinée qu´à condition de mobiliser tout un capital de connaissances ethnologiques et sociologiques sur leur pays d´origine.