150 photos accompagnées de textes témoignant du travail du sociologue, sont actuellement exposées et ce, jusqu'au 26 mars. Initié par le Centre culturel français et la Bibliothèque nationale, un hommage a été rendu, mercredi soir, au célèbre sociologue français, Pierre Bourdieu. Intitulée «Faire de la recherche avec Pierre Bourdieu en Algérie», cette rencontre-débat fut ouverte par Madame Fatma Oussedik qui expliquera combien la sociologie était importante chez Bourdieu, retraçant son parcours de jeune appelé militaire venant faire son service militaire en Algérie et puis ce «choc d'une réalité écrasante» qui le verra abandonner ses études de philosophie pour se consacrer à la sociologie suite à son contact avec le peuple algérien. Claude Seibel, inspecteur général de l'Insee, revisitera le travail de Bourdieu lequel devait se traduire dans «un souci d'objectiviser ses connaissances» par la combinaison sociologie, économie, statistique et ethnologie. Il dira sa passion pour la Kabylie qui le conduira à former des étudiants pour approfondir son enquête, en 1959 et ce, notamment par le biais de la caméra. Ce mouvement constant entre la sociologie et les statistiques le conduira à se pencher sur le travail et l'emploi, les centres de regroupement et le déracinement, notamment. Evoquant les 150 photos de Pierre Bourdieu qui ornent actuellement les couloirs de la Bibliothèque nationale, Claude Seibel parlera de ces photos prises sur le vif comme des illustrations «de situations que Bourdieu vivait et qu'il prenait avec distance», ce que Fatma Oussedik qualifiera de « compréhension sensible» et de « moments d'émotion ».Christine Frisinghellil, directrice de Caméra Austria, expliquera, pour sa part, que ces photos prises entre 1959 et 1961 renvoient à un travail regroupant environ 2 à 3000 photos dont une bonne partie est perdue. Il reste 650 négatifs. Regard tendre sur images «Nous avons essayé de suivre les grands thèmes qui ont jalonné l'itinéraire sociologique de Bourdieu à travers ces photos, en l'occurrence, habitus/habitat, déracinement du peuple algérien, le rapport homme/femme, publié dans son livre La domination masculine...» Madame Frisinghellil relèvera le regard attentif, touchant et attendri de Bourdieu dans ces photos. Et Mme Oussedik d'y voir «une société déchirée» dont les photos témoignent d'une volonté de réhabilitation d'une certaine façon de vivre traditionnelle. Celle-ci rappelle, selon elle, une filiation sensible de Bourdieu, lui-même, enfant de parents paysans. Frantz Schulheis, enseignant à l'université de Genève et président de la Fondation Pierre Bourdieu, dira que toute l'oeuvre de Pierre Bourdieu est un hommage à l'Algérie. Rappelant son parcours, il avouera que Bourdieu a eu «la chance d'être forcé d'aller en Algérie. Or, il était anticolonialiste. Il arrive pour faire son service militaire et, au lieu de faire la guerre, il fait de la sociologie et contribue à faire connaître aux Français l'Algérie. Il travaille à la faculté d'Alger, rencontre des statisticiens, il devient autodidacte bien encadré et se met à faire des études de terrain en Kabylie et subit une conversion ethnographique, empiriquement. En 1962 il retourne à Lille puis à Paris. Il est sociologue grâce à son travail sur l'Algérie, publie plusieurs ouvrages et devient un des penseurs de l'ethnologie et de la sociologie les plus connus au monde». A propos des photos exposées, M.Schulheis soulignera le côté affectif lié à l'Algérie. Au cours du débat animé qui a suivi la rencontre, le président de la Fondation Pierre Bourdieu expliquera, par ailleurs, combien le sociologue refusait de voir le pays «éclaté». Il sera question également de l'urgence de traduire ses oeuvres en arabe pour plus d'accessibilité. Chrysalide et la tentation sociologique Jeudi après-midi, c'est au tour de l'association Chrysalide d'évoquer en images l'oeuvre colossale et néanmoins importante de Pierre Bourdieu et ce, à travers la projection à la salle Frantz-Fanon d'un documentaire de 2 heures 30. Intitulé La sociologie est un sport de combat, ce film réalisé par Pierre Carles, montre combien l'analyse sociale peut se répercuter sur l'action politique, telle en est l'idée essentielle qui se dégage. Ainsi, dans ce documentaire, il nous révèle le quotidien marathonien d'un homme , jonglant entre interview-radio et presse, interventions publiques à l'université, notamment et travail de bureau... Bourdieu parle de lois, d'inégalité, arguant la langue culturelle, du rapport dialectique entre l'économie et le social... «Dans les questions d'ordre social, résident des enjeux politiques», indique-t-il. Pierre Bourdieu préconise le combat des idées par la constitution d'un mouvement social qui, peut « brûler les voitures mais avec, au fond, un objectif ».Il est, en cela, prémonitoire et prouve combien la sociologie est, mine de rien, très efficiente, car elle permet de décrypter la réalité et prévient les problèmes, pour ne pas tomber dans les schémas répétitifs dont souffrent les mondes politiques aujourd'hui...