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Le Chili en pleine transition élit demain un nouveau président
Partagé entre l'espoir et le doute
Publié dans L'Expression le 20 - 11 - 2021

Les Chiliens sont appelés aux urnes demain pour désigner le successeur du président conservateur Sebastian Piñera, un scrutin particulièrement indécis dans un pays en pleine transition deux ans après l'explosion sociale de 2019. Parmi les sept candidats en lice, les deux favoris du premier tour, selon les derniers sondages, représentent deux pôles antagonistes: Gabriel Boric, député de gauche de 35 ans, plus jeune candidat à la présidence de l'histoire du pays, et José Antonio Kast, avocat de 55 ans, candidat de l'extrême droite. Mais les enquêtes d'opinion - qui ont échoué dans leurs prédictions électorales depuis 2019 - sont interdites depuis deux semaines, et deux anciens ministres pourraient aussi se hisser au second tour du 19 décembre: la sénatrice de centre gauche, Yasna Provoste, 51 ans, et le représentant de la droite au pouvoir, Sebastian Sichel, 44 ans. «Depuis le référendum de 1988», qui avait approuvé la fin du pouvoir d'Augusto Pinochet (1973-1990), «je n'ai jamais senti autant d'incertitude» dans une élection, témoigne Silvia Gutiérrez, une infirmière de 60 ans qui travaille à Santiago mais vit à 70 km de la capitale. Sa famille a toujours voté pour la coalition de centre gauche qui a gouverné le pays en alternance avec la droite depuis le retour de la démocratie il y a 31 ans. «Maintenant nous sommes tous divisés: il y en a de droite, d'autres de gauche», explique-t-elle. Depuis la fin du vote obligatoire en 2012, la participation électorale a été inférieure à 50%. Cette faible mobilisation, conjuguée à un nombre élevé d'indécis, pourrait rebattre les cartes jusqu'à la dernière minute dans ce pays marqué par deux ans d'une secousse sociale sans précédent, après des décennies de stabilité économique et politique.e.
Depuis le soulèvement social de 2019 pour plus de justice sociale, le pays s'est polarisé tandis que la pandémie a fait monter le chômage, creusé la dette et que l'inflation avoisine désormais les 6%, une nouveauté dans le pays. Si des millions de Chiliens soutiennent les revendications exprimées par les manifestants pour un rôle accru de l'Etat dans l'éducation, la santé et les retraites, les violences et pillages par les protestataires les plus radicaux au fil des mois, ainsi que la hausse de l'immigration clandestine, ont fini par favoriser l'extrême droite. Depuis juin une Assemblée constituante s'est également attelée à la rédaction d'une nouvelle Constitution, une des revendications des manifestants. Le texte devra être soumis aux Chiliens par référendum au cours du mandat à venir et le cas échéant promulgué par le futur chef de l'Etat. Or l'élection en mai de l'Assemblée constituante avait mis en évidence la perte de terrain des partis politiques traditionnels au profit d'indépendants, reflétant une profonde crise de confiance dans les institutions.
Gabriel Boric «n'a pas l'expérience politique qu'ont d'autres dirigeants, mais c'est sa force, il ne suscite pas l'antipathie que suscitent les politiques expérimentés», souligne la professeure de sciences politiques à l'Université du Chili, Claudia Heiss. Le candidat d'extrême droite José Antonio Kast, qui prend pour modèle le Brésilien Jair Bolsonaro et l'ex-président américain Donald Trump, entend aussi surfer sur la vague. Pour Andreina Guillen, une Vénézuélienne qui comme 400.000 autres étrangers résidant dans le pays depuis plus de cinq ans a le droit de vote, «Kast est l'option la moins dangereuse pour le Chili» face à l'»horreur de l'extrême gauche».
Hugo Pizarro, 45 ans, fait davantage confiance à la droite sortante. «Il y a des choses à corriger» dans le Chili actuel mais on ne peut pas nier les progrès du pays en matière démocratique», déclare ce banquier qui votera pour Sebastian Sichel. Quel que soit le successeur de Sebastian Piñera, 71 ans, qui après un premier mandat (2010-2014) et une réelection en 2017, ne peut pas se représenter, il devra gouverner un pays en plein doute, estime l'analyste Axel Callis.»L'espoir d'un changement social se réduit en termes d'opportunités, de temps, de soutien.
L'incertitude et la peur prennent le dessus», explique-t-il. Demain, pour les 15 millions d'électeurs qui vont également renouveler la Chambre des députés, 27 des 43 sénateurs et les conseils régionaux, «il s'agira de choisir entre l'espoir et le doute».


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