Le monde artistique est, une fois de plus, attristé. Alors qu'on n'a pas encore fini de faire le deuil de Rabah Driassa, l'un des chantres de la musique populaire algérienne, décédé en octobre dernier, voilà que le destin rappelle Seloua, l'ambassadrice de le chanson algérienne dans tous ses genres: hawzi, andalou et moderne. De son vrai nom Fettouma Lemitti, Seloua qui a fait les beaux jours de la chanson algérienne dans les années 70 et 80, avec un répertoire musical comptant plus de 400 titres, est décédée jeudi à l'âge de 86 ans, des suites d'une longue maladie. Avec un grand talent, la défunte a marqué l'histoire artistique de l'Algérie où elle était qualifiée de reine de la chanson algérienne. Originaire de Blida, Seloua, belle et élégante, a débuté sa vie artistique en 1952 avec l'animation d'une émission enfantine à Radio Alger. Après cette expérience algéroise, elle prend la direction de Paris où elle sera à la tête de la première émission dédiée aux femmes arabes à la radiodiffusion française. Sa rencontre, en 1960, avec Amraoui Missoum va changer son destin. Le compositeur venait de lancer un nouveau genre de chanson et cherchait des interprètes. Leur rencontre va donner une impulsion nouvelle à la chanson. Grâce à son timbre de voix exceptionnel, Seloua fera un tabac avec son premier titre Lalla Amina qui se classera troisième meilleure vente du catalogue du célèbre éditeur musical Pathé Marconi juste derrière Milord de Piaf et J'ai quitté mon pays de Macias. Elle décide alors de poursuivre dans l'univers de la chanson qu'elle va servir avec une grande passion puisqu'elle abandonna la Radio pour s'y consacrer entièrement en prenant part à plusieurs pièces théâtrales radiophoniques, telles que «Hadi darna», «Warda bi el chawk»...et bien d'autres qui connurent un gros succès auprès les auditeurs. Son surnom Seloua lui a été donné par Mohamed Tahar Foudhaleh dans une pièce théâtrale «Ahlen wa sahlen bi sayidina Ramadhan», aux côtés d'une pléiade d'artistes connus comme Mohamed Kechroud, Bahi Foudhaleh et Athmane Bouguettaya. En 1964, elle se lance dans une longue tournée dans les pays arabes où elle fut accueillie comme l'ambassadrice de la chanson algérienne. Dès lors. elle participa à toutes les semaines culturelles dans tous les pays amis de l'Algérie nouvelle. Missoum va lui composer ses plus beaux succès dont «Hakda bghali saâdi», «Kif rayi hamalni» ou encore «Nahouak ya l'ghali».... Après le décès de Missoum, Seloua va collaborer avec Mahboub Bati et Boudjemia Merzak qui deviendra, par la suite, son époux. C'est avec ce dernier que Seloua va faire son incursion dans l'andalou. Son talent dans l'interprétation du hawzi l'a imposée comme la digne héritière de Fadhila Dziria. Le talent de Seloua ne s'est pas limité à la chanson ni à l'animation des émissions radiophoniques, la défunte avait aussi interprété un rôle en 1980 aux côtés de Rouiched dans «Hassen taxi», un film qui fut sa seule et unique expérience cinématographique. Seloua est également connue pour avoir animé la première version de l'émission «Alhan oua Chabab» avec Maâti Bachir. Après une éclipse d'une dizaine d'années, Seloua ne reviendra au-devant de la scène qu'à la faveur des hommages qui lui ont été consacrés. Dans les années 2000, elle a été couronnée par le titre de reine de le chanson algérienne. Jeudi, à l'annonce de son décès, la ministre de la Culture et des Arts, Wafa Chaâlal a présenté ses condoléances à la famille de la défunte et à la famille artistique affirmant que l'Algérie «perd une figure de proue de l'art algérien». La ministre a exprimé sa profonde compassion suite à la disparition de l'artiste qui «a laissé un répertoire riche de belles oeuvres artistiques ayant contribué à l'enrichissement du registre artistique national et lui a permis de drainer une large base populaire d'admirateurs». Une cérémonie de recueillement sur la dépouille de la défunte a eu lieu, hier, au Palais de la culture Moufdi Zakaria pour permettre aux artistes et à ses fans de lui rendre un dernier hommage. La disparition de Seloua replonge ses fans dans les souvenirs de «Ya ouled el houma» et «Kif rayi hamalni»...et toutes ces chansons qui sont marquées par leur jeunesse. Seloua reste, pour eux et pour les générations à venir, le modèle et l'expression même de le chanson algérienne. Une Grande Dame.