Excluant tout «retour en arrière», quatre mois et demi après avoir suspendu, le 25 juillet, l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP, Parlement) dominée par le parti d'inspiration islamiste Ennahdha, le président Kaïs Saied a prolongé son gel jusqu'au nouveau scrutin législatif dont il a fixé la date au 17 décembre 2022. Le chef de l'Etat a aussi annoncé, dans un discours à la nation lundi soir, un référendum pour le 25 juillet sur des amendements de la Constitution, qu'il veut plus présidentielle, et de la loi électorale qui régira les législatives. En pleine crise socio-économique et sanitaire et après de longs mois de blocage politique, le président Saied, élu au suffrage universel fin 2019, a invoqué en juillet dernier un «péril imminent» pour limoger le Premier ministre soutenu par Ennahdha, suspendre les activités du Parlement et reprendre en main le pouvoir judiciaire. Les ambassadeurs des pays membres du G7 et de l'Union européenne (UE) en Tunisie ont appelé vendredi à un retour «rapide» aux institutions démocratiques dans le pays dans ce qui a été aussitôt dénoncé par de nombreux partis politiques tunisiens comme une ingérence flagrante dans les affaires internes du pays. Le chef de l'Etat bénéficie d'un important soutien au sein d'une opinion publique exaspérée par les blocages et la corruption, et il conçoit le calendrier dévoilé lundi comme une feuille de route pour tourner la page de cette crise, même si ses opposants l'accusent de chercher à prolonger son «monopole du pouvoir» et à «façonner à sa guise un nouveau système de gouvernement sans consulter les autres acteurs politiques». Dans son discours, Kaïs Saïed a fait savoir que les amendements qu'il entend soumettre à référendum seraient la synthèse de propositions élaborées à la faveur de «consultations populaires» à mener à partir du 1er janvier sur des plates-formes électroniques dédiées. Pour l'analyste politique Slaheddine Jourchi, le président Saied «semble déterminé à mener à bien son projet politique, faisant fi des pressions à la maison et de l'étranger».»Il essaye de couper l'herbe sous les pieds de ses opposants en annonçant un calendrier avec des dates précises», a-t-il déclaré. Son discours est intervenu en effet quelques jours avant des manifestations prévues par ses opposants, mais aussi ses partisans, le 17 décembre, jour de célébration du 11ème anniversaire de la révolte contre le régime de Zine el Abidine Ben Ali, qui a donné le coup d'envoi au Printemps arabe. Invoquant un rapport de la Cour des comptes qui accuse Ennahdha et d'autres partis d'avoir perçu des financements étrangers, le président Saied ne cesse d'appeler la justice à se saisir de ce rapport pour invalider l'élection de leurs membres au Parlement en 2019. Après le coup de force en juillet, des organisations tunisiennes et internationales ont critiqué un «accaparement du pouvoir» et disent craindre pour les droits et libertés publiques dans le berceau du Printemps arabe.