Les dirigeants ouest-africains se réunissaient à nouveau, hier, sur le Mali, avec l'éventualité de durcir ou non les sanctions face à une autorité de transition qui, après avoir envisagé de rester au pouvoir cinq ans de plus, a proposé à la dernière minute un nouveau calendrier. Le chef de la transition, le colonel Assimi Goïta, a dépêché samedi deux ministres auprès de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest qui tenait, hier, à Accra un nouveau sommet extraordinaire sur le Mali, théâtre de deux coups d'Etat militaires depuis 2020 et en proie à une profonde crise sécuritaire. Dans le souci de «maintenir le dialogue et une bonne coopération avec la Cédéao», les envoyés maliens ont présenté «une nouvelle proposition» de calendrier au président en exercice de l'organisation, le chef de l'Etat ghanéen Nana Akufo-Addo, a rapporté l'un des deux émissaires, le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop. Il n'a pas précisé de durée. Mais cette démarche visait à l'évidence à apaiser le courroux d'un certain nombre des chefs d'Etat et de gouvernement à la veille de leur sommet. Bamako demandait initialement jusqu'à cinq ans, un délai a priori inacceptable pour la Cédéao et paraissant appeler immanquablement de nouvelles sanctions. Les dirigeants sont revenus sur l'engagement de tenir en février des élections législatives et présidentielle ramenant les civils à la tête du pays. Les autorités de transition disent ne pas être capables d'honorer cette échéance. Elles invoquent l'insécurité persistante dans le pays, en proie aux violences de toutes sortes, terroristes, communautaires, mafieuses... Et la nécessité de réformes, comme celle de la Constitution, pour que les élections ne souffrent pas de contestations à l'instar des précédentes. Depuis le premier putsch d'août 2020 conforté par celui de mai 2021 intronisant le colonel Assimi Goïta comme président de la transition, la Cédéao pousse au retour des civils dans les meilleurs délais. Pour l'organisation dont la crédibilité est en jeu, il s'agit de défendre ses principes fondamentaux de gouvernance, de stopper la contagion du fait accompli et de contenir l'instabilité régionale. Un calendrier étalé sur cinq ans ramènerait un an et demi en arrière. La Cédéao réclamait alors un retour des civils sous 12 mois. Bamako demandait cinq ans. La Cédéao avait transigé à 18 mois, avec des élections en février 2022. Mesure de l'importance des enjeux pour la Cédéao comme pour le Mali au coeur de l'instabilité sahélienne, ce sera la huitième fois que les dirigeants ouest-africains se retrouveront, en présentiel ou en visioconférence, pour parler spécialement du Mali (avec la Guinée après un autre putsch en septembre 2021) depuis août 2020, sans compter les sommets ordinaires. Fait exceptionnel, la réunion d'hier était immédiatement précédée, dans la capitale ghanéenne, d'un autre sommet extraordinaire, celui des dirigeants de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Les huit pays de l'UEMOA sont membres de la Cédéao. Ce sommet avant le sommet est considéré comme augurant d'une possible action concertée et peut-être de sanctions économiques. La Cédéao a déjà imposé un gel de leurs avoirs financiers et une interdiction de voyager à 150 personnalités maliennes, une mesure édictée. Lors de leur sommet du 12 décembre, les dirigeants ouest-africains avaient brandi la menace de sanctions «économiques et financières» supplémentaires. En août 2020, la Cédéao avait suspendu le Mali de tous ses organes de décision, suspension toujours en vigueur. Elle avait aussi fermé toutes les frontières terrestres et aériennes, et instauré un embargo sur les échanges financiers et commerciaux, à l'exception des produits de première nécessité. En pleine pandémie, l'embargo infligé à un pays pauvre et enclavé a été durement ressenti. Ces sanctions avaient été levées au bout d'un mois et demi. La Cédéao doit soupeser les risques de braquer les Maliens contre elle avec une nouvelle démonstration de rigueur, préviennent les analystes. Une partie de la classe politique a boycotté les consultations dont les autorités se réclament pour demander un délai supplémentaire. Dix-huit mois après la prise du pouvoir par les colonels, la situation sécuritaire reste très détériorée, et la crise économique profonde. Mais le discours de souveraineté nationale des autorités résonne dans une partie de la population, soulignent les experts.