Une semaine après le sommet d'Accra, au Ghana, durant lequel les chefs d'état et de gouvernement de la Cédéao ont durci à l'extrême les sanctions contre le Mali pour amener les nouvelles autorités de transition à respecter le calendrier prévu avec des élections présidentielle et législatives le 27 février prochain, un nouveau sommet virtuel a dû se tenir dans l'urgence, hier, pour débattre des sanctions éventuelles au lendemain du putsch qui vient de secouer, lundi dernier, le Burkina Faso. Même si les conditions dans lesquelles ce coup d'état est intervenu paraissaient évidentes, les pays ouest-africains maintiennent leur rejet dans le fond et dans la forme de ce qui est qualifié comme une inacceptable atteinte à l'ordre constitutionnel qui doit prévaloir dans le continent. Ils ont d'ailleurs appelé, en ce sens, les partenaires internationaux à se prononcer et à agir dans la même logique tout en souhaitant leur collaboration pour davantage de pressions sur les juntes qui revendiquent un soutien populaire manifeste, au motif que les coups d'état intervenus au Mali et en Guinée, particulièrement, sont d'abord et surtout des redressements révolutionnaires rendus inévitables par une situation socio-économique et, surtout, sécuritaire dramatique. Jeudi soir, le nouvel homme fort du Burkina, le lieutenant-colonel Paul-henri Sandaogo Damiba a procédé à la première allocution depuis sa prise de pouvoir pour assurer que son pays «a plus que jamais besoin de ses partenaires» de la Cédéao. Cet appel du pied sera-t-il seulement entendu? Clairement non, même s'il s'est efforcé de rassurer sur le respect des engagements internationaux, l'indépendance de la justice et de balayer «les doutes légitimes» qui peuvent naître en pareilles circonstances. Quant à la promesse d' «un retour à une vie constitutionnelle normale lorsque les conditions seront réunies», on imagine la tête que font les dirigeants de la Cédéao le lendemain même de toutes ces assurances, eux qui n'ont pas cessé de faire montre d'intransigeance envers les autorités maliennes de transition. Au Burkina comme au Mali, le malaise porte sur la question sécuritaire devenue la priorité des populations et des dirigeants avec une montée aussi rapide que désastreuse des attaques terroristes, notamment dans la région du Liptako-Gurma, également appelée région des Trois-Frontières parce qu'elle relie le Mali, le Burkina et le Niger dans une douloureuse communauté de destins. Dans les deux pays secoués par les putschs, les populations reprochent aux présidents déchus une incapacité chronique à endiguer la dégradation sécuritaire malgré la présence, depuis 2015, au moins, de plusieurs forces d'intervention internationales, notamment française. Englués dans une spirale de violences sans cesse accrue, le Mali et le Burkina font face à la montée en puissance des groupes proches d'Al Qaïda et de Daesh, tributaire de milliers de morts et de plusieurs millions de déplacés. Et aussi bien à Ouagadougou qu'à Bamako, on entend mobiliser «les forces vives de la nation» pour une «feuille de route» qui permettrait de sortir de l'impasse. En ce sens, le colonel Damiba a remis à l'ordre du jour le slogan de Thomas Sankara, l'icône panafricaine: «la Patrie ou la mort, nous vaincrons.» En attendant les décisions déjà tranchées de la Cédéao.