Compte tenu des tensions de plus en plus affichées entre Bamako et Paris, la proposition de la Cédéao qui se disait, hier, «prête à accompagner les autorités maliennes» dans une transition «crédible», c'est-à-dire conforme aux exigences qui ont conduit à de nouvelles sanctions, lors du récent sommet d'Accra, au Ghana, semble avoir peu de chance de rencontrer un écho favorable. Au contraire, le Premier ministre malien, Choguel Kokalla-Maïga avait annoncé, la veille, la décision du gouvernement de porter plainte auprès des juridictions compétentes, qualifiant les mesures de la Cédéao d'«illégales». Autant dire que, dans un tel contexte, la présence militaire française, très critiquée depuis des mois par les populations de cette région sahélienne tributaire d'un terrorisme grandissant, devient un sujet brûlant, et cela à moins de trois mois d'une présidentielle en France au cours de laquelle il n'est pas du tout exclu que la question s'invite aux débats et meetings. Accusés par la France d'avoir introduit le groupe paramilitaire russe Wagner, les dirigeants maliens de la transition réfutent et arguent de leur droit de recourir, en toute souveraineté, à des alliances conformes aux exigences de la situation et aux intérêts supérieurs du peuple malien. D'où une crise passablement critique entre Paris et Bamako qui refuse de se plier au diktat du président français Emmanuel Macron, relayé par les chefs d'état de la Cédéao, quant à l'organisation des élections fin février pour «restituer le pouvoir aux civils». Afin d'étayer leur argumentaire, les autorités de la transition ont eu recours, vendredi dernier, à de gigantesques manifestations de soutien, partout dans le pays, et principalement dans la capitale, les sympathisants clamant leur hostilité envers l'ancienne puissance coloniale et leur rejet des mesures, qualifiées d' «indécentes», de la Cédéao. Il faut dire que ces sanctions viennent étrangler un pays déjà confronté à un véritable étau socio-économique et une montée en puissance des groupes terroristes qui ont trouvé, étrangement, un terrain prospère dans la région du Liptako-Gurma, dite des Trois-Frontières, parce qu'elle constitue un carrefour commun aux trois pays endeuillés par l'extrémisme, le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Avant le sommet de la Cédéao, la France qui a entamé la présidence de l'Union européenne et compte, à cette occasion, faire avancer son projet de force d'intervention commune Takuba, de manière à pouvoir opérer le retrait partiel de Barkhane, l'Union européenne et les Etats-Unis avaient multiplié les mises en garde contre le Mali, affirmant que l'invite de la société Wagner n'est rien d'autre qu'un recours déguisé à la Russie. En d'autres termes, une provocation et un défi de Bamako «inacceptables», au moment où le Niger a déjà fait savoir qu'il ne veut pas de Takuba.