Deuxième acte dans le réchauffement des relations algéro-françaises. Emmanuel Macron a adressé, hier, à Abdelmadjid Tebboune une invitation officielle pour prendre part au Sommet Union européenne-Union africaine. Les deux hommes en ont parlé au téléphone, à l'initiative du président français. Rendue publique par la présidence de la République, la communication téléphonique a permis aux deux chefs d'Etat d'aller plus loin dans leur discussion que le seul sujet du Sommet UE-UA. «Les deux parties ont évoqué les relations bilatérales», note la même source. Dans son court communiqué, la présidence de la République a affirmé, à ce propos, que «les deux présidents ont évoqué,en outre, durant cette communication, les perspectives de la tenue du Haut comité sectoriel intergouvernemental». Un aspect lourd de ces relations qui ont traversé une période de froid, provoquée par la déclaration inamicale d'Emmanuel Macron qui a remis en cause l'existence d'une nation algérienne et qualifié l'Etat algérien de «système politico-militaire» qui tire profit d'une «rente mémorielle». Mais cet épisode est bel et bien fini après que le ministre français des Affaires étrangères et Macron lui-même aient exprimé leurs regrets et souhaité le rétablissement des relations diplomatiques, rompues par Alger suite aux déclarations du président français. C'est effectivement une page tournée dans les rapports entre les deux pays, puisque l'ambassadeur d'Algérie en France a réintégré son poste. De fait, l'échange téléphonique d'hier entre dans le cadre d'un nouvelle relance des relations algéro-françaises, même si le contexte politique en France, marqué par la proximité de l'élection présidentielle prévue en avril prochain, plaide pour une posture d'attente des deux gouvernements. Mais cela n'a pas empêché les deux présidents d'évoquer la tenue d'une importante réunion intergouvernementale reportée par deux fois, la première en avril 2021 et la seconde en décembre de la même année, prétextant la situation sanitaire. En réalité, la faiblesse de la représentation de la délégation française et l'impréparation des dossiers en étaient la cause. Alger refusait une rencontre au rabais. Il faut savoir que la dernière fois que cette rencontre s'est tenue, c'était en décembre 2018 où une dizaine d'accords avaient été signés, sans qu'aucune concrétisation sur le terrain n'ait eu lieu, notamment un projet de création d'une unité de production de vaccins qui n'a toujours pas vu le jour. Ainsi, après le Mouvement populaire du 22 février 2019, l'attitude froide de Paris en réaction à l'élection présidentielle du 12 décembre 2019 en Algérie, la crise sanitaire et l'interruption des relations diplomatiques, Alger et Paris renouent le fil du dialogue et espèrent réveiller l'instance de concertation intergouvernementale, laissée en plan durant près de 4 ans. Les deux présidents ne veulent certainement pas insulter l'avenir et misent sur un partenariat pérenne, même si le temps et les conditions en France notamment, ne sont pas réunis pour un pacte politique et économique sérieux. Il reste que cette reprise de contact au plus haut niveau entre Alger et Paris intervient à quelques semaines du 60e anniversaire du 19 mars, fête de la victoire pour l'Algérie. L'Elysée a coché cette date depuis plusieurs mois, et Emmanuel Macron affirme vouloir en faire un événement historique. Tout le spectre politique français attend avec une pointe d'impatience ce qu'il dira, au coeur d'une campagne électorale où la mémoire a pris toute sa part. Et pour cause, le chef de l'Etat français multiplie, ces derniers jours, les gestes symboliques et les déclarations en faveur des pieds-noirs et des harkis. Une histoire franco-française, actuellement fortement commentée en France. Mais le 19 mars est une date qui concerne aussi l'Algérie. Que réserve Macron à l'opinion française? On le saura le moment venu. Ce qu'il faut, par contre, retenir, c'est que son quinquennat aura été brouillon sur la question mémorielle. Le président Tebboune, dont la constance du discours a été établie par l'ensemble des observateurs, est dans une posture, disons-le, confortable. En totale symbiose avec l'opinion nationale sur la question de la mémoire et la nécessité d'établir des rapports d'égal à égal avec la France, il discutera avec Macron ou son successeur, sans appréhension ni mauvaise foi. En attendant, l'Algérie multiplie ses partenariats et n'a pas à attendre que les Français s'entendent sur la qualification à donner à la colonisation qu'ils ont imposée à des dizaines de millions d'Africains.