Pour apaiser les tensions liées au passé historique, les deux chefs d'Etat, Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, ont choisi un nouveau chemin. Une semaine après l'annonce, par Abdelmadjid Tebboune, de la désignation d'Abdelmadjid Chikhi comme partenaire algérien dans le travail sur la mémoire entre l'Algérie et la France, l'historien français, Benjamin Stora sort une nouvelle fois de sa réserve. Tout en récusant l'existence d'une commission "administrative" qui doit faire le travail entre les deux rives de la Méditerranée, il a plaidé pour "une relative paix des mémoires" qui doit se substituer "à la réconciliation des mémoires". Pour apaiser les tensions liées au passé historique, qui ont toujours modéré les relations en dents de scie entre les deux pays, les deux chefs d'Etat, Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, ont choisi un nouveau chemin. Dans le but d'entretenir une relation dépassionnée, plutôt orientée vers des sujets politiques et économiques, les deux dirigeants ont donc décidé de laisser le chaud dossier de la mémoire aux spécialistes, donc aux historiens. Une manière pour eux de dépolitiser un dossier qui a toujours passionné — et empoisonné — les relations entre les deux pays. Ce nouveau fleuve tranquille qui marque désormais les relations algéro-françaises est pourtant venu de loin. Comme cela est devenu une tradition, chacun des mandats présidentiels, en Algérie comme en France, est d'abord marqué par une période de grandes crispations. Puis, au fil du temps, la réalité politique finit par reprendre le dessus. "Nous avons des intérêts communs et nous ne l'oublions pas, il y a cinq millions d'émigrés algériens en France", avait soutenu Abdelmadjid Tebboune lors d'une récente intervention médiatique. Il s'exprimait à l'issue d'un entretien téléphonique échangé avec le président français, Emmanuel Macron. "L'Algérie est incontournable pour la France, et la France l'est pour l'Algérie", avait-il encore indiqué il y a quelques jours dans le journal français L'Opinion. "(...) il faut avancer vers une relative paix des mémoires pour précisément affronter les défis de l'avenir, pour ne pas rester prisonniers tout le temps du passé parce que l'Algérie et la France ont besoin l'une de l'autre, on le sait, sur toute une série de questions notamment économiques, migratoires, relatives au terrorisme, etc", a indiqué de son côté l'historien Benjamin Stora dans une interview à Radio-France-International, RFI. Douloureuse période coloniale Pourtant, cette période d'éclaircie dans les relations algéro-françaises n'a pas toujours été évidente. Rien que durant les 4 premiers mois de la présidence Abdelmadjid Tebboune, un froid s'est installé entre les deux pays. Si des questions politiques, liées notamment à la situation politique en Algérie, ont servi de trame à ce coup de froid, les questions de mémoire ont vite fait d'envenimer la situation. À chaque fois qu'il y a un malentendu politique, des voix s'élèvent, en France comme en Algérie, pour renvoyer tout le monde à cette douloureuse période coloniale. Pour montrer que les relations entre les deux Etats doivent dépasser cette question mémorielle et pour dépasser les malentendus, les deux chefs d'Etat ont donc décidé de communiquer. Ils ont beaucoup échangé au téléphone et multiplié les déclarations de bonnes intentions pour dégeler la situation dans un premier temps avant de passer au concret : désormais la question mémorielle sera l'affaire d'historiens, même si le cadre qui réunira Abdelmadjid Chikhi et Benjamin Stora ne fait visiblement pas consensus ; le Président algérien a évoqué une commission mixte, tandis que le célèbre historien, spécialiste de l'Algérie, évoque un simple rapport à présenter aux autorités deson pays. Il reste désormais à savoir si cette initiative ne connaîtra pas le sort de celles initiées notamment par Abdelaziz Bouteflika avec Jacques Chirac, puis avec François Hollande. Dans les deux cas, les démarches n'ont jamais abouti.