Le pilote est dans l'avion et la diplomatie algérienne redécolle. Aux manettes, le Président Abdelmadjid Tebboune qui fait ressourcer cette diplomatie en donnant du tonus à l'action de son ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, Ramtane Lamamra. Sans répit, ce dernier sillonne l'Afrique et le Monde arabe. Hier, il est arrivé au Koweït où convergent tous ses homologues arabes. D'une importance capitale, ce conclave ministériel sera déterminant pour la suite de nombreux dossiers régionaux. C'est durant cette session annuelle du Conseil ministériel de la Ligue des Etats arabes, présidée par le chef de la diplomatie koweïtienne, Cheikh Ahmed Nasser Al-Mohammed Al Sabah, que le Koweït passera la main puisque son mandat est arrivé à terme. Ainsi, les ministres arabes des AE feront le bilan de cette session et dégageront les actions à entreprendre, avant que le Koweït ne passe le témoin, comme l'exige le règlement intérieur de la Ligue des Etats arabes. Ils aborderont également l'ordre du jour de la réunion prévue le 9 mars prochain au Caire. À cette occasion, l'Algérie communiquera la date officielle du Sommet arabe d'Alger selon la conjoncture et les facteurs dont seul le président Abdelmadjid Tebboune en décidera. C'est, également, lui qui aura le dernier mot, aussi bien pour l'ordre du jour que les perspectives de ce sommet qui a fait couler beaucoup d'encre. Le président Tebboune a bien assimilé le principe de base de la diplomatie, selon lequel on n'engage jamais les discussions si les enjeux ne sont pas clairement énoncés et s'ils risquent de déboucher sur un «malentendu». À ce titre, le déplacement de Tebboune au Caire a été un grand succès, de l'avis unanime des observateurs arabes et particulièrement égyptiens rompus aux arcanes de la diplomatie internationale. Alger et Le Caire convergent La convergence de vues des positions d'Alger et du Caire à l'égard des questions et dossiers centraux a été, en effet, totale. Il ressort du «Sommet algéro-égyptien du Caire» davantage de rapprochement et de coopération entre les deux pays, d'autant que la dimension géopolitique impose la conjugaison des efforts. Après l'escale du Koweït, Lamamra s'envolera à Addis-Abeba où il assistera, les 2 et 3 février prochain, à la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UA pour préparer le Sommet des chefs d'Etat. Sur le terrain, la situation sanitaire, pas très favorable, refroidit quelque peu les ferveurs des présidents participant à ce sommet. L'on s'interroge déjà sur la nature des mesures à prendre pour préserver au mieux la santé des participants face à un virus qui fait rage sur le continent. Mais, cela ne diminue en rien de l'importance de cette rencontre au sommet marquée par un agenda très chargé. Les chefs d'Etat de l'UA, ou leurs représentants, auront à examiner en effet, les développements survenus, ces dernières semaines. Le Burkina Faso, où le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a pris le pouvoir, a été suspendu, ce vendredi, de la Communauté des états ouest-africains (Cédéao). Le Mali où la situation sécuritaire n'est pas reluisante alors que les relations continuent à se dégrader chaque jour entre Paris et Bamako après des mois de rapports houleux. La crise libyenne où règne le flou politique et institutionnel depuis le report, sine die, de l'élection présidentielle du 24 décembre dernier. Les chefs d'Etat africains aborderont, également, la question du Tigré, le Soudan ainsi que d'autres crises qui secouent le continent. S'agissant du Conseil de paix et de sécurité, l'Algérie et l'Egypte quitteront la présidence pour céder la place à la Tunisie et au Maroc qui prendront le relais. Disons-le tout de suite avant que le Makhzen ne crie « à une grande victoire diplomatique qui a mené à l'exclusion de l'Algérie et de son allié l'Egypte»: il ne s'agit ni plus ni moins que du fonctionnement normal de cet organe de l'UA, selon les principes de la rotation. Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) est composé de 15 membres élus, selon la représentation régionale équitable. L'Afrique du Nord bénéficie de deux sièges. Il se trouve que l'Algérie et l'Egypte ont terminé leur mandat et doivent de ce fait passer le témoin comme l'exige le règlement intérieur de l'UA. Le Makhzen dos au mur Le clou de cette réunion du CPS est qu'elle sera présidée par le ministre des Affaires étrangères de la Rasd qui est membre à part entière de l'UA. Dos au mur, le Maroc va-t-il se retirer de cette réunion et enfreindre ainsi le fonctionnement de cet organe? Quant à la présidence de l'UA, les chefs d'Etat auront également à apprécier la gestion du chef de l'Etat de la RDC, Félix-Antoine Tshisekedi, président en exercice de l'UA. Une présidence que d'aucuns jugent nocive. On affirme à ce propos, que c'est lui qui a influencé Moussa Faki Mahamat président de la Commission de l'Union africaine, pour qu'il accorde la qualité de membre observateur à l'entité sioniste au sein de l'UA. Une décision sur laquelle l'Algérie, et ses nombreux alliés, plaideront l'annulation. À ce jeu, il faut faire confiance au président Tebboune qui sait s'entourer de spécialistes en la matière. À l'offensive, il a placé Ramtane Lamamra, qui sait marquer des points à la grande fureur du voisin marocain. Le rétablissement d'une image plus positive de l'Algérie, est une des réussites à porter au crédit du président Tebboune. La montée en puissance de la diplomatie algérienne, son caractère entreprenant n'est en réalité que le reflet d'une situation interne qui progresse sur le chemin de la stabilité. Après avoir renouvelé de fond en comble l'édifice institutionnel du pays, le président Tebboune entame le chantier économique avec une détermination affichée de faire de l'année 2022 celle du décollage économique. En dépit d'une situation pandémique paralysante à l'échelle mondiale, les plus grandes nations suivent avec un grand intérêt les détails du plan de relance économique du gouvernement algérien. Des projets d'envergure dans les domaines miniers, de l'énergie solaire, de l'industrie et de la réalisation de grandes infrastructures ont déjà accroché bien des pays comme la Chine, la France, la Turquie, la Russie, l'Italie et d'autres encore désirant avoir leur part du «gâteau». L'Algérie n'est plus ce pays plongé dans le cauchemar des turbulences sociales, politiques et économiques. Elle est redevenue audible et visible. Dès lors, le président Abdelmadjid Tebboune décide qu'il est temps de lancer le second étage de la fusée. L'Algérie n'a pas seulement à restaurer son image. Mieux, elle doit jouer pleinement le rôle d'envergure qui a toujours été le sien sur le continent africain et dans le Monde arabe. La démarche audacieuse de Tebboune a la valeur d'une sentence qui se résume en cette phrase: «Ne rougissons pas de vouloir la Lune, il nous la faut!». Ce n'est ni une coquetterie de circonstance ni un rêve irréalisable, car il y a longtemps que l'Algérie a entamé la conquête de l'impossible: c'était le 1er novembre 1954...