C'est dire l'importance, pour la diplomatie de notre pays, de réussir cette nouvelle mission. La médiation de l'Algérie qui a permis, le 12 avril 1992, de mettre fin au conflit qui opposait le gouvernement malien aux insurgés de l'Azawad est de nouveau sollicitée pour résoudre le nouveau différend qui a conduit à l'affrontement entre Touareg et troupes maliennes, le 23 mai dernier, dans la ville de Kidal. Le général Kafougouna Koné, ministre malien de l'Administration territoriale et des Collectivités locales, a été reçu par le président Abdelaziz Bouteflika en qualité d'envoyé spécial du président Ahmadou Toumani Touré, afin de solliciter, très officiellement, cette médiation, d'ailleurs souhaitée par les rebelles touareg du lieutenant-colonel Hassan Fagaga qui reprochent aux autorités maliennes de n'avoir pas tenu les engagements conclus en 1992. Le problème est à la fois ancien et complexe. Outre que plusieurs chancelleries sont intéressées à la situation, ou qu'elles tentent de s'y imposer comme des interlocuteurs obligés, il y a cette revendication persistante des populations du nord du pays d'un statut particulier pour la région, compte tenu, disent-elles, des graves discriminations dont elles seraient l'objet et du retard considérable enregistré au plan du développement. Exaspérées, ces populations le sont assurément, d'autant que les éléments touareg intégrés à l'armée malienne crient à la ségrégation et dénoncent le fait d'être traités comme des «citoyens de seconde zone» dans leur propre pays. L'ampleur des griefs signifie la difficulté de la tâche qui attend l'Algérie, surtout si l'on prend en considération le rôle trouble de la Libye qui avait, un temps, ouvert un consulat à Kidal, sous prétexte de contribuer au développement de la région -sic- avant de changer de programme quant au suivi de ses investissements, sachant qu'aucun Libyen n'est établi dans cette zone. Même si les rebelles de Kidal ne présentent pas la même force de protestation qui fut celle de l'Azawad, ils n'en inspirent pas moins une forte inquiétude au gouvernement malien qui tient compte de leur approvisionnement conséquent en armes et en munitions, au lendemain de leur prise de contrôle de trois camps militaires à Kidal même et dans la petite ville de Menaka. Leurs revendications, en apparence socio-économiques, trahissent néanmoins les aspirations velléitaires à une forme d'autonomie qui trouve un encouragement implicite dans les manoeuvres libyennes, telles qu'elles se sont traduites par la partition jouée à Tombouctou par Muammar Kadhafi. Le 9 avril, celui-ci avait, on s'en souvient, émis le rêve de voir les peuples du Sahel se rassembler pour fondre un seul Etat, allant du Sénégal à l'Euphrate. Grâce aux pétrodollars qu'il a fait miroiter à Kidal, Kadhafi a pu un temps encourager les appétits des rebelles touareg conduits par le bouillant Hassan Fagaga, mais il a également nourri les rancoeurs et les divisions, portant un nouveau coup à la stabilité précaire qui prévalait dans cette région. Les diverses manipulations dont sont l'objet les Touareg du nord du Mali participent d'une stratégie politico-militaire visant à maintenir un abcès de fixation sur la frontière sud de l'Algérie qui, pourtant, est le principal pourvoyeur en produits de première nécessité de la région. C'est dire l'importance, pour la diplomatie de notre pays, de réussir cette nouvelle mission pour laquelle elle est à la fois sollicitée et interpellée, dans un contexte de manoeuvres stratégiques plus ou moins sournoises et d'autant plus pernicieuses qu'elles se conjuguent à une effervescence terroriste et mafieuse qu'il importe de surveiller attentivement.