À la guerre qui se déroule sur le terrain entre les forces russes et ukrainiennes, s'ajoute une autre guerre, tout aussi soutenue, dans le domaine de la communication où Moscou, d'un côté, Kiev et les capitales d'Europe orientale et occidentales, de l'autre, font feu de tout bois. La situation, dans certaines villes, revêt des «proportions catastrophiques», indiquait, hier, le général russe Mokhaïl Mizinstsev, repris par les agences de presse locales. Il ajoutait que les nationalistes ukrainiens ont «miné des zones résidentielles par centaines, détruit les infrastructures et privé les civils des ressources élémentaires», tout en leur «fermant l'accès aux voies d'évacuation». Quant au président Vladimir Poutine, il a évoqué, au cours d'un entretien téléphonique avec ses homologues allemand et français, Scholz et Macron, des «assassinats extrajudiciaires d'opposants», des «prises d'otages de civils» ou encore le «déploiement d'armes lourdes dans des zones résidentielles, à proximité d'hôpitaux, d'écoles et de jardins d'enfants», selon un communiqué du Kremlin. «Mensonges», a aussitôt réagi la Présidence française, à l'issue de cet entretien, qui devait être centré, selon Paris et Berlin, sur «l'exigence d'un cessez-le-feu immédiat» et «l'amorce d'une solution diplomatique». Comme dans tout conflit qui prend une importance régionale, voire mondiale si l'on en juge par l'ampleur des sanctions inégalées que les puissances occidentales ont décrété contre la Russie et son président, diabolisé comme jamais, au point de le faire passer pour le nouveau Dracula des Carpates, tous les coups sont permis et les «mensonges», loin d'être unilatéraux, pleuvent aussi forts que les coups. Hier, le président polonais Andrzej Duda, réagissant aux frappes russes contre une base ukrainienne proche de la frontière polonaise, a alerté contre «le danger» d'un recours russe à «l'arme chimique», un «changement de la donne», a-t-il souligné. Cela tombe à pic, au lendemain des accusations lancées par la Russie qui aurait découvert des laboratoires d'essais biologiques américains dans des villes ukrainiennes où les virus seraient triturés à en veux-tu, en voilà. De quoi vous donner froid dans le dos. «Lorsque vous me demandez si Poutine pourrait avoir recours à l'arme chimique, je pense que Poutine est capable d'avoir recours à tout, surtout dans une situation aussi difficile», a sombrement proclamé le chef de l'Etat polonais qui considère que le président russe «a déjà perdu cette guerre politiquement et, militairement parlant, il n'est pas en état de la remporter». On le voit, l'argument d'un recours à l'arme de destruction massive a fait école, depuis que Colin Powell l'a érigée en mode de propagande pour justifier la destruction, tout aussi massive, de l'Irak dont plus d'un million de ressortissants ont, hélas, payé le prix ultime. Désormais, chacun sait que pour noyer son chien, il n'y a pas d'autre méthode utile que de l'accuser de la rage. Et c'est pourquoi le président Duda exhorte l'Alliance atlantique à se réunir face à une «situation dangereuse non seulement pour l'Europe, non seulement pour notre région d'Europe centrale et orientale, mais aussi pour le monde entier». Il est vrai que son pays compte déjà 1 675 000 réfugiés ukrainiens, sur les 4 à 5 millions prévus par l'ONU, alors que le chef de la police ukrainienne de Popasna, dans la région séparatiste de Lougansk, affirmait, hier, que l'armée russe a arrosé sa localité avec des bombes au phosphore. Un soupçon de déjà- entendu, quand il s'agissait de détruire la Syrie.