Membre du conseil d'administration de Tosyali Algérie, Alp Topcuoglu nous livre sur ces colonnes, le fond de sa pensée sur les performances de son groupe. Il revient également sur les perspectives d'investissement en Algérie, et les doléances concernant la Zlecaf et son souhait de voir l'Algérie émerger du lot. Se disant profondément algérien, Alp croit dur comme fer au destin reluisant de l'Algérie. L'Expression: Le président Tebboune vient d'ordonner l'accélération des projets de phosphate dans l'Est du pays. N'est-ce pas une opportunité pour Tosyali? Alp Topcuoglu: Nous sommes une société investie totalement dans le sidérurgique. Chaque projet qui ramène une valeur ajoutée à la production locale, est considéré comme un atout pour la production nationale. C'est-à-dire, plus on augmente les différents types de gammes de produits localement, plus la société réalisera des économies et sera plus compétitive au marché international. Je vous donne un exemple. Il y a aujourd'hui, beaucoup de produits consommables qui entrent dans notre production et que nous voulons produire ici en Algérie, tels que le fer alliage, fer réfractaire et électrodes. Nous avons fait une demande au ministère de l'Industrie pour produire ensemble localement ces intrants. Parce qu'il faut savoir que nos concurrents à l'étranger achètent ces produits-là des usines situées à côté. Ce qui n'est pas notre cas. Nous devons les importer, payer les coûts du fret qui sont très onéreux aujourd'hui, les droits de douanes, des délais de livraison prolongés, etc.... Donc, un coût de financement important et des frais supplémentaires. Plus la production de ces intrants ou consommables est réalisée localement, plus les sociétés algériennes seront compétitives sur le marché international. Sans compter un renforcement du taux d'intégration, qui sera plus élevé. La perspective d'exploitation minière en Algérie n'ouvre-t-elle pas des perspectives pour Tosyali, notamment pour Ghar Djebilet? Oui, absolument. Nous, on a beaucoup travaillé sur le gisement de fer de Ghar Djebilet, où il y a du phosphore également. Mais, nous avons beaucoup travaillé sur les méthodes d'élimination de ce type de phosphore présent dans ces gisements de Ghar Djebilet et ce, durant le processus de production. Nous sommes, aujourd'hui prêts, avec certains investissements à utiliser le gisement de Ghar Djebilet dans notre cycle de production, même si ce ne sera pas à 100%. One ne peut jamais utiliser un gisement à 100%. Nous sommes capables de l'utiliser dans le Blending. Prochainement nous montons sur un volume de 8 millions de tonnes de transformation de minerai. Donc, 20 à 25% de ce volume, ça nous donne 5,5 millions de tonnes annuelles. C'est déjà un volume important pour nous. Par ailleurs, il y a aussi la question des infrastructures qu'il faudra étudier et régler, notamment le chemin de fer. Avec de gros tonnages à transporter sur plus de 2.000 kilomètres, les transports terrestres restent inadaptés. Ça aurait été faisable avec des minerais light ou précieux, mais avec le fer et phosphate. S'il y avait le passage à l'Atlantique, ça aurait été extraordinaire. Pourquoi n'y êtes-vous pas présents? On aimerait bien faire partie du consortium qui va exploiter demain les minerais de Ghar Djebilet. Nous avons manifesté notre intérêt, parce que nous serons demain le plus grand consommateur de ce gisement. Ce minerai est le plus grand intrant dans la production de fer. Certains étrangers se plaignent du climat d'affaires contraignant en Algérie. Etes-vous de cet avis? Pour un investisseur sérieux et professionnel, il n'y a aucune contrainte d'investissements en Algérie. Si vous tenez vos promesses, c'est-à-dire réaliser un investissement dans un délai raisonnable, d'atteindre vos capacités réelles de production, d'assurer un taux raisonnable d'intégration, de créer des postes d'emploi, d'effectuer un transfert de technologie, de substituer aux importations, etc... Je pense, qu'au contraire, les autorités algériennes apprécient ce genre de professionnalisme et vous ouvrent grandes les portes. Je peux vous dire aussi, que pour ceux qui veulent investir en Algérie, il y a l'opportunité et le soutien de l'Etat algérien. Ceux qui viennent pour l'aventure, ils ont mal choisi le pays. Pour Tosyali, nous sommes là avec des enjeux et objectifs de longs termes. Au départ de l'activité de Tosyali, vous vous êtes adressés aux jeunes diplômés universitaires. Quelle est la part du transfert de technologie dans le plan d'action de Tosyali en Algérie? Comme je vous l'ai dit, Tosyali n'est pas là de passage pour quelques années. Nous sommes là pour la vie inchallah. C'est un objectif de long terme. D'où l'importance de la formation dans notre planning et objectif global. La formation des personnels chez nous, c'est permanent. Parce que ce sont eux qui font la production et la gestion de l'usine. Je vais vous citer un exemple de transfert de savoir-faire. Au départ de l'usine, nous avons démarré avec 600 travailleurs locaux, et 400 expatriés. Aujourd'hui, nous sommes à 4.000 employés, dont 3.300 algériens et 650 expatriés. L'intégration des personnels algériens est montée à 85% à, peu près. Il y a aussi d'autres paramètres que nous prenons en charge. Nous mesurons le degré d'efficacité d'un expatrié de passage, non seulement à sa capacité de production, mais surtout grâce à son degré d'efficacité dans l'intégration du personnel algérien. Nous avons également deux conventions avec deux universités d'Oran, sur la base desquelles leurs étudiants viennent effectuer des stages chez nous. Ceux qui sont performants, ou qui ont des profils et des aptitudes remplissant les critères, nous les intégrons à notre complexe. Aujourd'hui, avec le conflit russo-ukrainien, les cours mondiaux des intrants ont flambé, la logistique et le fret ont également été durement touchés. Comment Tosyali arrive-t-elle à garder l'équilibre entre les bénéfices et ses investissements? La Russie et l'Ukraine sont les plus grands fournisseurs de minerais dans le monde. Aujourd'hui, malheureusement, l'Ukraine est hors marché à cause de la guerre et la Russie est hors compétition à cause des sanctions imposées. Il faut savoir qu'après la crise sanitaire de Covid, il y a eu un boom dans la demande mondiale à la commodité. La crise actuelle de l'Ukraine avec la Russie a coupé court à l'offre mondiale et a flambé les prix. Avec la Covid et la guerre russo-ukraine, ce sont deux années de force majeure que nous avons subi avec les flambées connues. Alors d'une part, on peut dire que nous avons de la chance, et d'autre part, nous avons vu un retour de nos investissements d'intégration que nous sommes en train de faire en Algérie. Durant cette période, nous avons mis en service notre usine d'enrichissement de minerai de fer, avec un coût de 150 millions de dollars, sur nos fonds propres. Ce qui nous a permis de réduire la facture des importations de minerai de bonne qualité, que nous importions à coûts élevés. Aujourd'hui, nous importons essentiellement du fer de faible qualité, en grande partie, de Mauritanie et un peu moins du Brésil, a priori, que nous enrichissons ici en Algérie. Concernant les infrastructures protuaires, pensez-vous que l'Algérie devrait miser sur la remise à niveau des ports et des infrastructures aux normes et standards internationaux, comme vous l'avez fait avec le port d'Arzew? Si l'Algérie envisage de diversifier les exportations hors-hydrocarbures, le seul moyen passe par les investissements portuaires. Car, les ports sont de véritables portes d'un pays pour le commerce extérieur. Hormis les nouveaux ports à construire, il faut miser sur l'accentuation de l'efficacité des ports existants. Je pense qu'il faut miser sur les moyens de travail et d'action, notamment la manutention, chargements et déchargements, qui peuvent changer la donne. Concernant les ports d'Oran et d'Arzew, avec lesquels nous sommes en contact permanent, ils viennent de passer au système de travail H24. Aujourd'hui, le coût du fret joue un rôle important dans les coûts de marchandises. Alors, il faut tourner 24h/24h tout comme les Européens et les Asiatiques. C'est le temps que peut passer un navire dans les quais, en termes de surestaries et autres financements, qui déterminent le coût de revient de la marchandise. Pour nous, il n'y a pas de différence. Quand Tosyali exporte, c'est l'Algérie qui exporte. Nous devons avoir les meilleurs prix et les meilleurs coûts et selon les standards internationaux. Pour ce qui est des différentes activités annexes, est-ce que Tosyali a recours à la sous-traitance? Oui, nous avons 113 sociétés qui sous-traitent différentes activités auprès de notre groupe. L'emploi indirect est quatre fois plus important dans l'activité de Tosyali. Il y a énormément de branches d'activités de services, consulting, transport, électricité, restauration, etc.... qui transitent par Tosyali... Tosyali ambitionne de tirer profit de la Zlecaf et la Zone de libre-échange avec des perspectives ambitieuses. Qu'en est-t-il au juste? Très importante question. Nous avons une convention Zlecaf et nous n'avons pas encore reçu les textes d'application. Nous insistons là-dessus. Nous avons introduit une demande auprès du ministère du Commerce. Cela dans le but d'inclure les produits sidérurgiques et tous ceux produits en Algérie. C'est une grande opportunité pour l'Algérie, pour attirer les investisseurs étrangers, afin de produire en Algérie et commercialiser en Afrique. Il y a un exemple, celui de l'Egypte qui a signé un contrat avec les USA pour les textiles, que la Turquie a exploité pour produire et exporter depuis ce pays arabe, à travers plus de 100 sociétés turques de textileS. Comment se porte le projet de l'acier plat? Le projet a commencé, le chantier a démarré, la fabrication des équipements a commencé avec les fournisseurs. De loin, cet investissement de grande envergure est le plus important, de notre avis de par la valeur ajoutée et les opportunités à créer. Car les produits issus de cette usine devront contribuer à l'industrialisation de l'Algérie, notamment l'industrie de l'automobile et la pièce détachée, l'électroménager, l'électronique, etc... Il faut savoir que beaucoup de marques de la pièce détachée des grandes marques européennes sont fabriquées à Bursa en Turquie. Ces investisseurs sont prêts à déplacer leurs activités en Algérie, tout comme ceux de l'électroménager qui passeront du montage à l'assemblage. Il y a aussi les secteurs tuberie, charpenterie, l'industrie navale, etc.... Or, aujourd'hui, l'acier plat est importé de l'étranger avec des coûts chers et des délais allant jusqu'à 04 à 05 mois. Ce projet pourrait rendre les sociétés algériennes plus compétitives.