Lors de la tenue du dernier Conseil des ministres le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a ordonné l'entame de l'exploitation effective de la mine fer de Ghar-Djebilet dans les plus brefs délais. Si le chef de l'Etat insiste sur l'accélération du projet d'exploitation de la mine de Ghar-Djebilet c'est qu'il a des raisons pour le faire. Ces trois dernières années les capacités de production d'acier du pays a été multipliée par cinq. La récente entrée en production du complexe sidérurgique de Bellara, avec une capacité de 2,5 millions de tonnes d'acier, ajouté a celle de Tosyali à Bethioua avec 2,25 millions de tonnes, porte la capacité nationale de production d'acier à près de 5 millions de tonnes par an. A cette quantité il faudrait rajouter une moyenne de 800.000 autres tonnes produites par le complexe d'El Hadjar. Si ce dernier est alimenté, en partie, en minerai de fer des mines d'El-Ouenza et de Boukhadra, les complexes de Bellara et de Bethioua, par contre, doivent importer leurs minerais pour fonctionner. Au bas mot, ce sont pas moins de 9 millions de tonnes de minerais de fer que ces usines importent de l'étranger pour produire 5 millions de tonnes d'acier annuellement. La reprise de l'économie mondiale depuis la fin de l'année 2020 a fait bondir le prix du minerai de fer à 185 dollars la tonne en ce mois de mai 2021. Le prix de l'acier s'est lui aussi envolé. Il avoisine actuellement les 700 dollars la tonne. Un prix qui arrange les sidérurgistes algériens, qui ont investis en force les marchés extérieurs ces dernières années. Ainsi, Tosyali compte exporter 700 millions de dollars de produits sidérurgiques en 2021 tandis qu'El Hadjar table sur 220 000 tonnes à commercialiser à l'étranger. De son côté, le complexe de Bellara s'est engagé à placer 300.000 tonnes de ses produits sur les marchés extérieurs. Si ces prévisions seraient réalisées, l'Algérie exporterait près de 1 milliard de dollars de produits sidérurgiques en 2021. Ce qui constitue une prouesse pour la diversification de l'économie nationale et les exportations hors hydrocarbures. L'acier produit en Algérie est compétitif. Les usines de Tosyali et Bellara fonctionnent au gaz naturel et à l'électricité dont les prix en Algérie figurent parmi les plus bas au monde. Le complexe d'El Hadjar, par contre, utilise le coke de charbon. Pas moins d'un demi-million de tonnes de coke est importé annuellement pour faire fonctionner le complexe. Sa privatisation au profit d'ArcelorMittal a eu des incidences négatives avec la fermeture de la cokerie en 2009. Cette fermeture a rendue le complexe dépendant des importations de coke. Après la renationalisation d'El Hadjar en 2013, le Gouvernement décide de lancer un Plan de redressement et d'investissement de 700 millions de dollars. Il aurait été plus rentable pour le complexe de remplacer le Haut-Fourneau qui fonctionne au coke par un nouveau fonctionnant au gaz naturel disponible a un prix très compétitif dans le pays. Mais ceci est une autre histoire. Seulement, El-Hadjar a un avantage, celui d'être approvisionné en minerais de fer à partir d'El Ouenza et Boukhadra. Mais ces deux mines, dont la production dépassait les deux millions de tonnes jusqu'à la fin des années 90, arrivent difficilement à atteindre le million de tonne annuellement. D'où l'urgence d'exploiter de nouvelles mines de fer pour répondre aux besoins sans cesse croissants des usines sidérurgiques. Ghar-Djebilet, un projet qui traine A la fin du mois de mars de l'année en cours un accord a été signé entre l'Entreprise nationale de fer et de l'acier (Feraal) et un consortium d'entreprises chinoises constituée de CWE, MCC et Heyday Solar, pour le lancement du projet d'exploitation du gisement de fer de Ghar-Djebilet. Ce mémorandum d'entente d'un montant de deux milliards de dollars vise la création d'une joint-venture (51% pour l'Algérie et 49% pour la partie chinoise) chargé d'exploiter la future mine. Les mines de Ghar-Djebilet et Mecheri Abdelaziz renferment des réserves s'élevant à 3,5 milliards de tonnes. Le rêve d'exploiter cette richesse remonte aux années soixante-dix. Mais deux difficultés majeures ont empêchées la réalisation de ce rêve ; la présence d'un taux élevé de phosphore dans le minerai et l'éloignement. Tindouf est distante de 1.400 kilomètres du port de Ghazaouet. La réalisation de ce projet s'avère assez complexe. En premier lieu, il y a l'eau et l'énergie. La mine aurait besoins d'importante quantité d'eau et d'énergie pour pouvoir démarrer. Pour l'énergie, les deux partenaires, algériens et chinois tablent sur l'énergie solaire. Mais pour sécuriser l'alimentation en énergie électrique il est important d'utiliser également le gaz naturel. Et là aussi, il y a des possibilités. En 2019, Sonatrach a fait une découverte de gaz naturel dans le bassin de Tindouf. L'évaluation de cette découverte permettrait d'alimenter une centrale électrique pour sécuriser les besoins futurs de la mine. Concernant l'eau, les services de l'hydraulique de la wilaya doivent avoir une idée précise sur la disponibilité de cette ressource vitale pour le projet. L'autre problème majeur, le phosphore. Pour que le minerai de fer de Ghar-Djebilet soit exploitable industriellement, la réduction du taux de phosphore qu'il contient est inévitable. A première vue, la solution a été trouvée pour résoudre ce problème. Et là aussi, il faudrait faire des choix. Faut-il traiter le phosphore sur place, c'est-à-dire à Ghar-Djebilet ou expédier le minerai tel qu'il est au Nord du pays. Et dans le second cas, les usines sidérurgiques doivent s'équiper pour traiter le phosphore avant l'utilisation du minerai. Mais en raison de l'importance des réserves de minerais de fer de la région de Tindouf (3,5 milliards de tonnes) la rentabilité de ce projet exige que la réduction d'une partie du minerai soit faite sur place, à partir du moment où le gaz naturel serait disponible. Enfin, il y a le problème de l'éloignement. La réalisation d'une ligne de chemin de fer longue de mille kilomètres pour relier la mine à Béchar prendra beaucoup de temps. Mais en attendant cette ligne, le transport du minerai pourrait se faire à l'aide de grands camions jusqu'à Béchar pour être ensuite transporté par voie ferrée. L'utilisation du gaz naturel comme carburant pour les camions permettrait de réduire les coûts de transport. Ghar-Djebilet est considéré comme étant un projet stratégique. Ces retombées socio-économiques sur la région de Tindouf et sur l'économie nationale sont importantes. Entamer le plan de réalisation de ce projet devient une urgence.