Nouveau membre dans le Conseil onusien, Alger aura fort à faire face aux assauts des organisations non gouvernementales, très critiques envers les derniers remaniements. «Le Conseil des droits de l'homme est mal parti», estime l'association Reporters sans frontières (RSF). «Avec des pays comme l'Algérie, l'Arabie Saoudite, l'Azerbaïdjan, le Bangladesh, la Chine, Cuba, le Nigeria, le Pakistan, la Russie ou la Tunisie parmi ses membres, nous avons de sérieuses raisons de douter de son efficacité», déplore l'organisation de défense des journalistes, qui demande au nouvel organe de condamner «tous les pays qui bafouent systématiquement les droits de l'homme». Voilà, en clair, en quoi consistera le travail de l'Algérie, nouveau promu dans le Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Car, d'un coté, elle aura à surveiller le respect des droits de l'homme dans les pays qui pourraient leur porter atteinte, et, de l'autre, elle aura à respecter plus que de mesure les droits de l'homme sur son propre territoire, afin de ne pas se faire discréditer au sein du Conseil. Le Conseil, qui remplace la Commission du même nom, est décrié depuis quelques jours pour son incapacité à faire respecter les valeurs fondamentales de l'ONU durant ses soixante années d'existence et dont la dernière session s'est achevée en mars dernier. Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui est à l'origine de la réforme, doit ouvrir solennellement les travaux en présence de ministres et de hauts représentants d'une centaine d'Etats, donnant le coup d'envoi d'une première session de deux semaines. Selon TSRinfo,la défunte Commission avait été discréditée par la présence en son sein de plusieurs pays peu connus pour leur respect des droits de l'homme. Chaque année, sa session de six semaines donnait lieu ainsi à un affrontement stérile entre les Etats-Unis et la Chine qui parvenait systématiquement à échapper à une condamnation. Mais l'élection des membres du Conseil, le mois dernier, n'a pas empêché plusieurs Etats dénoncés par les organisations de défense des droits de l'homme de faire leur entrée au sein du nouvel organe. Les Etats-Unis ont vu dans la désignation de Cuba une justification de leur décision de ne pas participer au Conseil, au moins durant sa première année d'existence. Washington aurait souhaité la création d'un organe plus musclé pour dénoncer les violations des libertés. Pour l'ambassadeur de France auprès des Nations unies à Genève, Jean-Maurice Ripert, l'objectif du nouveau Conseil est de mettre en place un mécanisme constructif, amenant les pays à coopérer sur des thèmes comme la peine de mort. «Un Conseil des droits de l'homme ne comprenant que des démocraties européennes ne servirait absolument à rien», remarque-t-il.Une des innovations majeures du Conseil est la revue systématique et régulière de la situation des droits de l'homme dans chacun des pays membres de l'ONU, qui permettra d'éviter l'accusation de sélectivité dont souffrait la Commission. L'Algérie qui avait brigué un siège au Conseil à la mi-mai, a proposé sa candidature, en présentant un dossier en dents de scie. Car même si elle avance un cahier des charges pesant, avec les nouveaux textes de loi en matière de respect des procédures judiciaires, les nouvelles réformes qui ont touché aussi bien la justice que les établissements pénitentiaires, les textes de réconciliation nationale, qui ont apaisé les tensions et lissé un tant soit peu les aspérités qui existaient dans les relations conflictuelles pouvoir-islamistes, l'Algérie aura également, et là c'est certain, à gérer un lourd contentieux des manquements aux droits de l'homme pour la période 1992 à 2000, et là aussi, le «forcing européen» où dominent les appréciations des ONG spécialisées dans les droits de l'homme, peut être déterminant. Les divergences de vues entre Alger et Londres concernant les extraditions d'Algériens détenus en Grande-Bretagne est un signe très instructif. Cependant, Alger sera jugé «sur pièce», c'est-à-dire sur la seule base de ses actions actuelles.