Les prix du pétrole ont-ils atteint leur niveau de croisière? La question se pose parce qu'ils campent autour des 110 dollars depuis quelques semaines. Les séances sont laborieuses avec des hauts et des bas avant que ne se produise un coup de rein qui leur permet d'effacer leurs déboires de la semaine et de terminer en hausse sur le fil comme dans un sprint époustouflant. Ce fut le cas jeudi dernier. Une journée décisive qui illustre ce type de scénario. Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juillet a grimpé de 2,68% à 112,04 dollars. Le baril de West Texas Intermediate WTI) américain pour livraison en juin a gagné pour sa part 2,39% à 112,21 dollars. Fait notable, le baril américain supplante désormais celui du Brent de la mer du Nord qui a évolué en dents de scie avant de rebondir nettement. Au point de dérouter les experts. «Le marché est d'une volatilité extrême avec de fortes hausses un jour, de larges pertes le lendemain», faisait remarquer Andy Lipow de Lipow Oil Associates. «À cause de la situation très tendue de l'offre, le marché sur-réagit à n'importe quel titre d'information. Chaque baril compte!» soulignait pour sa part John Kilduff d'Again Capital. Que s'est-il passé? Les cours de l'or noir ont viré au rouge plus tôt en séance, après que des informations de presse ont évoqué une future rencontre entre le président américain Joe Biden et le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane. «Il y a eu spéculation qu'on aurait enfin davantage de pétrole de la part de l'Arabie saoudite», a conclu John Kilduff d'Again Capital. Une simple rumeur qui a poussé le pétrole à reprendre sa marche en avant. Les cours de l'or noir se sont finalement ressaisis pour finir la semaine au-dessus de leur niveau de clôture du 13 mai, à plus de 112 dollars après un coup de pompe en milieu de semaine provoqué par la crainte d'un ralentissement économique mondial majeur. «Les marchés actions nous disent qu'ils s'inquiètent de savoir à quel rythme l'économie va croître et nous savons que cela affecte directement la demande de pétrole», a commenté Andrew Lebow, associé du cabinet Commodity Research Group. «Vous pourriez y ajouter un peu de Covid-19 en Chine, de l'Union européenne qui peine à trouver un accord sur le brut russe...», a renchéri Robert Yawger, de Mizuho Securities. Il faut rappeler, en effet, qu'un confinement strict a été imposé à la capitale économique chinoise, Shanghai. Cette mégapole, de 25 millions d'habitants, affronte sa pire flambée de Covid-19 depuis 2 ans. Un blocage qui ralentit la demande de pétrole dans l'Empire du Milieu, premier importateur mondial de brut. Un million de barils de brut par jour manquent à l'appel de la demande mondiale. Le projet d'embargo de l'UE sur le pétrole russe autre facteur qui pourrait pousser les cours à la hausse, est actuellement en stand-by. Le verdict devrait tomber d'ici fin mai. Ce qui n'a pas réduit les tensions sur le marché de l'or noir. «Les risques sur l'offre continuent à tendre le marché et demeurent le principal facteur d'orientation, notamment la perspective d'un embargo de l'Union européenne sur les importations russes, même si aucun accord n'a encore été trouvé», a indiqué Bart Melek, analyste chez BMO Capital Markets. Il faut rappeler que la proposition soumise par Bruxelles aux Vingt-Sept prévoit un arrêt des importations de pétrole brut russe dans les six mois et des produits raffinés, notamment le gazole, d'ici à fin 2022. Pour être adopté, l'embargo doit être accepté à l'unanimité par tous les membres de l'Union européenne. Quel impact aura-t-il sur le marché? Un embargo de l'UE, s'il est pleinement adopté, pourrait mettre environ 3 millions de barils par jour de pétrole russe hors circuit. Ce qui pourrait entraîner une nouvelle flambée des prix. Le baril est à l'affût. Le feu est annoncé pour les prochains jours. L'UE en serait l'artificier...