Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi s'est entretenu, hier, avec de hauts responsables de dix nations du Pacifique, une offensive diplomatique qui suscite l'inquiétude du camp occidental. La volonté de Pékin d'accroître sa coopération diplomatique, économique et politique avec les pays de cette région sera au coeur de ce sommet virtuel, selon les informations qui ont fuité. C'est depuis la capitale des Fidji, Suva, que Wang coprésidera cette rencontre avec les ministres des Affaires étrangères du Pacifique. La plupart d'entre eux sont également les dirigeants de ces petites nations insulaires. Ils ont discuté d'un accord secret portant sur la manière dont la Chine entend notamment entraîner leur police, les aider en matière de cybersécurité, mais aussi réaliser des cartographies des fonds marins sensibles et obtenir un meilleur accès à leurs ressources naturelles maritimes et terrestres. Pékin leur propose des millions de dollars d'aide financière, la perspective d'un accord de libre-échange avec les îles Chine-Pacifique et l'accès au vaste marché chinois. Préalablement à ce sommet, le président chinois Xi Jinping a envoyé un message, assurant que son pays serait «un gentil frère» pour la région et qu'ils partageaient un «destin commun», selon la télévision publique CCTV. Seules les nations du Pacifique qui reconnaissent diplomatiquement la Chine et non Taïwan participaient à ce sommet, parmi lesquelles les îles Salomon, Kiribati, Samoa et Fidji, où il s'est rendu la semaine dernière. Ces offres de partenariat interviennent au moment où Pékin et Washington se disputent leur influence dans cette région stratégique. La signature en avril par Pékin d'un pacte de sécurité avec les îles Salomon a suscité «un choc» en Australie, selon les médias occidentaux qui y voient un moyen pour Pékin d'installer une présence militaire dans une région davantage préoccupée par le changement climatique. «Les îles Salomon ont fait figure d'exception, il n'y a pas eu d'engouement», a estimé Richard Herr, un professeur de l'université de Tasmanie qui a travaillé des décennies dans les îles du Pacifique. La région va hésiter à «se retrouver entraînée dans une compétition géostratégique», selon lui. La dernière proposition de Pékin a déjà suscité quelques réactions, notamment de la part du président des Etats fédérés de Micronésie, David Panuelo, qui a averti les autres dirigeants du Pacifique qu'elle pourrait provoquer «une fracture de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionales». De nombreux pays occidentaux n'ont pas caché leur irritation, le département d'Etat américain mettant en garde les nations du Pacifique contre ces «accords opaques et vagues «avec la Chine. Les nations du Pacifique restent soucieuses de maintenir de bonnes relations avec la Chine, de trouver un juste équilibre entre Pékin et Washington ou encore de s'en servir pour les faire jouer l'un contre l'autre. Il est difficile de savoir ce que les dirigeants des îles du Pacifique ont convenu avec Wang hier ou lors d'une série de réunions à huis clos autour du Pacifique Sud. Wang a affirmé dimanche que Pékin était prêt à travailler avec d'autres grandes puissances de la région Pacifique pour aider les nations insulaires à se développer. «La Chine est prête à une plus grande coopération tripartite avec d'autres pays, en particulier les pays ayant traditionnellement une influence dans la région», a-t-il déclaré lors de sa rencontre avec le secrétaire général du Forum des îles du Pacifique, Henry Puna. Il a qualifié sa tournée dans le Pacifique de «voyage de paix, d'amitié et de coopération», selon un communiqué du ministère chinois des Affaires étrangères. Wang doit demeurer dans la capitale des Fidji jusqu'à aujourd'hui. Il se rendra ensuite au Vanuatu, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et aux Tonga, un archipel dévasté il y a quelques mois par une éruption volcanique suivie d'un tsunami.