La lutte antiterroriste sera menée comme si la réconciliation nationale n'existait pas. La traditionnelle visite du président de la République à l'Académie de Cherchell, une des plus prestigieuses écoles militaires au niveau africain, a apporté autant de réponses qu'elle n'avait soulevéd'interrogations. Tout d'abord, pour son décalage: programmée chaque année au début du mois de juillet, pour accompagner les festivités de la Fête indépendance du 5, elle a été curieusement avancée cette année de plusieurs jours. Des sources averties estiment qu'il peut s'agir de promotions importantes qui seront faites ce 5 juillet, ou, alors, de mises à la retraite tout aussi importantes. Cependant, tout cela reste secondaire tant le discours «politique» du chef d'état-major vis-à-vis des conceptions «militaires» du président de la République permettait de dégager une démarche cohérente entre les deux hommes. Pendant que Bouteflika maintenait le cap sur la réconciliation nationale, et faisait les offres de paix aux groupes armées, les unes après les autres, l'état-major de l'armée maintenait la pression sur les maquis terroristes, notamment ces derniers jours, qui connaissent une nette flambée de la violence armée. Pour le général-major Ahmed Gaïd Salah, «l'ANP a appliqué, dès le premier instant, le contenu de la charte, avec appui et en toute harmonie, et poursuivra la lutte contre le terrorisme jusqu'à l'éradication définitive de ce fléau», assurant que «l'Armée nationale populaire, en accomplissant cette mission qu'il a qualifiée de «devoir national sacré», n'oubliera jamais qu'elle est issue de la matrice du peuple algérien», dont il constitue une ´´branche fière de son origine´´. Le général-major Gaïd Salah souscrit totalement à la démarche du président: «l'ANP continuera, selon les directives du chef de l'Etat, à accomplir sa mission constitutionnelle». Et de se projeter sur les vues de Bouteflika: «Nous voulons donner corps aux ambitions de l'ANP, de façon à lui permettre l'accomplissement idéal de sa mission constitutionnelle, qui est essentiellement la protection de l'intégrité territoriale et de l'unité nationale, conformément aux directives du président de la République, dans le cadre de la réforme globale». Le général-major Gaïd Salah a salué le souci du président Bouteflika de veiller personnellement au processus de modernisation de l'ANP et de ses capacités, ainsi que sur la consolidation de la politique de défense nationale. Le commandant de l'Amia, le général Abdelghani Malti, a été au bout des idées du président de la République: «l'Armée veille à suivre les évolutions dans le domaine militaire pour donner à l'armée des cadres compétents aptes à mener leurs missions dans toutes les conditions», ajoutant que «la formation supérieure des futurs officiers leur permet de développer leurs capacités au niveau opérationnel et d'améliorer leurs aptitudes de façon à leur permettre de travailler au sein même de forces internationales de maintien de la paix». Le retrait de l'armée de la vie politique, et qui se complètera d'ici à l'horizon 2010, si le cap reste maintenu sur les mêmes objectifs, l'a contrainte à poursuivre, avec toute la mobilisation et la rapidité possibles, son évolution vers la professionnalisation et la spécialisation. D'autant plus que le président de la République semble l'avoir définitivement amarrée aux Forces militaires comme l'Otan et les Etats-Unis, lui assignant, à terme, comme objectifs directs d'être investie de missions humanitaires et du maintien de la paix au plan régional. Un agenda des plus condensés, des exercices militaires à longueur d'année, les contacts incessants et les manoeuvres opérées avec les armées étrangères («Active Endeavour», Opération Flintlock, etc.) ne lui laissent, en fait, aucun moment pour penser à autre chose. Le programme concocté avec les forces militaires étrangères, et entrant dans un cadre d'échange bilatéral ou multilatéral, fait que ce sont les jeunes générations issues de l'ANP, qui vont mener à terme le processus engagé au sein de l'armée en vue de sa refonte et de sa professionnalisation définitive. Voilà, donc, les quiproquos liés aux applications de la réconciliation nationale définitivement levés. Il s'agit, selon une vieille tradition militaire, millénaire, mener la guerre comme si la paix n'existait pas, et chercher la paix comme si la guerre n'existait pas. A deux mois de la fin de la période de grâce donnée aux groupes armés, il faut rester cohérent et respecter une démarche qui n'a pas été claire depuis le début. Au moins, 52 personnes ont été tuées dans ces violences durant le mois de mai, selon un décompte non officiel, et plus de soixante personnes ont été tuées au mois d'avril. Cependant, c'est le mois de juin, avec 27 militaires et civils assassinés entre le 14 et le 22 juin,qui aura connu le plus de violence liée au terrorisme des groupes armés. Car, si dans le cas des deux précédents mois, les chiffres prennent en ligne de compte les morts comptabilisés dans le camp des islamistes armés et des militaires, policiers et citoyens, les vingt-sept morts du mois de juin sont en totalité des citoyens et membres des services de sécurité. C'est-à-dire qu'un forcing a été bel et bien opéré par les divers groupes armés qui ont perpétré les attaques à deux mois de l'expiration du délai accordé aux maquis pour faire amende honorable et déposer les armes. D'où, parfois, les indécisions dans la démarche à adopter entre le désir politique de séduire et la volonté militaire de frapper.