L'Expression: Le ministre des Affaires étrangères marocain se félicite régulièrement de l'ouverture de consulats dans les territoires sahraouis occupés en laissant entendre que le nombre finira par paver la voie à l'exclusion de la Rasd de l'organisation de l'Union africaine; comment appréciez-vous ces prises de position? Amar Belani: Nous avions déjà qualifié ces consulats de «consulats fantômes», car financés par les autorités marocaines sur le budget du ministère des Affaires étrangères dans le cadre d'un racolage indécent qui a choqué certains pays africains que le ministre en question a poursuivi de ses avances soutenues. En effet, certains des Etats concernés par ces ouvertures de «postes consulaires» n'arrivent même pas à s'acquitter de leurs cotisations obligatoires dans les organisations internationales ou régionales dont ils sont membres. C'est dire que la supercherie manigancée par le ministre des AE marocain finira par exploser comme un vulgaire ballon de baudruche. En fait, ce mur de réjouissances qui arbore plusieurs plaques de ««consulats» sur la façade du même immeuble et dont le ministre est si fier finira par se transformer en mur des lamentations lorsque son chef d'Etat s'apercevra (enfin?) que cette politique puérile de l'arithmétique est un non- starter en ce qui concerne le statut du territoire non autonome du Sahara occidental dont le vaillant peuple finira par exercer, vaille que vaille, son droit inaliénable et imprescriptible à l'autodétermination, conformément à la légalité internationale. Quant à l'objectif chimérique visant «l'exclusion» de la Rasd de l'Union africaine, le Maroc a déjà essayé par le passé et il s'était lamentablement cassé les dents, d'autant que rien dans les textes fondateurs de l'UA ne prévoit le recours à une telle option. À moins de vouloir dynamiter l'organisation continentale et danser sur ses cendres, les hauts responsables du Maroc ne devraient pas laisser les pyromanes irresponsables jouer avec le feu. L'envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU, pour le Sahara occidental, Staffan de Mistura, n'a pas été en mesure de se rendre à Laâyoune et à Dakhla comme prévu initialement. Quelles sont les raisons qui pourraient expliquer cet empêchement de dernière minute? Les raisons sont évidentes et connues. Après avoir été très réticents à organiser cette visite dans les territoires sahraouis occupés, les autorités marocaines ont voulu imposer à M. de Mistura des interlocuteurs fantoches choisis arbitrairement par la puissance occupante. Il s'agit en fait de colons déguisés en «élus» ou d'organisations vassales et satellites à l'instar du fameux Cndh dont on a pu mesurer le degré d'indépendance à la lecture de son rapport confondant et consternant sur le meurtre abject et le lynchage sauvage de dizaines de migrants à Nador. La décision de M. de Mistura d'ajourner ce déplacement, dans de telles conditions inacceptables et offensantes, l'honore à juste titre et elle mettra immanquablement la pression sur le Maroc qui est pris ainsi en flagrant délit de sabotage des efforts de l'envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU. La pression de la part de certains membres influents du Conseil de sécurité devrait pouvoir s'exercer à un certain moment (notamment de la part de ceux qui ont réussi «difficilement à persuader», le Maroc d'accepter finalement, au bout de cinq mois, la désignation de M. Mistura à ce poste). Le communiqué rendu public à l'issue des entretiens entre l'envoyé personnel, De Mistura et le ministre des Affaires étrangères marocain évoque une solution basée exclusivement sur l'initiative marocaine d'autonomie; est-ce que cette position fermée va aider l'envoyé personnel dans ses efforts? Effectivement, il s'agit d'une position dogmatique et éminemment obstructionniste qui est pensée et conçue pour faire perdurer le statu quo actuel. Cette position, telle qu'exprimée par ledit communiqué, est une entrave sérieuse aux efforts de M. de Mistura car ces fameuses constantes de la position du Makhzen institutionnel sont tout simplement l'expression d'un ultimatum inacceptable qui ne laisse aucun espace à la négociation et que ni le Front Polisario ni la communauté internationale ne cautionneront un jour. En effet, toutes les résolutions du Conseil de sécurité appellent les deux parties (le Front Polisario et le royaume du Maroc) à examiner leurs propositions respectives qui sont sur la table des Nations unies, depuis 2007, et de négocier de bonne foi et sans conditions préalables; le fait de postuler l'exclusivité de l'initiative d'autonomie de la part de la puissance occupante qui n'a pas, au regard du droit international, les attributs de souveraineté sur un territoire «séparé et distinct» pour s'octroyer indûment la prérogative régalienne de proposer l'autonomie, est un non- starter qui fera irrémédiablement capoter les efforts du secrétaire général et de son envoyé personnel. Les conséquences d'une telle impasse devront être assumées par la partie qui met délibérément les bâtons dans les roues de la mission de facilitation onusienne et les dernières déclarations de l'ancien envoyé personnel, l'ambassadeur Christopher Ross sont éclairantes à ce propos. Enfin, cette fixation obsessionnelle sur les «tables rondes» ne réussira jamais à donner corps au fantasme du «conflit régional» tant il est reconnu, que la question du Sahara occidental est une question de décolonisation dont le processus doit être parachevé par l'exercice du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination et à l'indépendance conformément au droit international. La responsabilité des Nations unies, à cet égard, est pleinement et durablement engagée. La procédure judiciaire engagée auprès de la Cour de justice de l'Union européenne, en vue de l'annulation définitive des accords scélérats en matière de pêche et de tarifs préférentiels pour les produits agricoles, ruinera définitivement, en mai ou juin de l'année prochaine, les faux calculs et les visées expansionnistes de la puissance occupante marocaine. Il en sera de même en ce qui concerne la délimitation de l'espace maritime entre le Maroc et l'Espagne parce que le Maroc n'est pas l'Etat côtier du Sahara occidental et qu'il ne peut donc, en aucune circonstance, avoir la qualité juridique pour délimiter les frontières de l'espace maritime sahraoui.