L'écriture de l'histoire relève de la seule compétence des historiens et des scientifiques. Le président de la République, M.Abdelaziz Bouteflika est revenu une nouvelle fois pour condamner la colonisation française. Dans un message qu'il a adressé hier aux participants au colloque international portant sur «le colonialisme: entre vérité historique et polémique politique» tenu hier à l'hôtel Hilton d'Alger, il a affirmé que la colonisation française de l´Algérie est «l´une des formes de colonisation les plus barbares de l´Histoire, une agression injustifiée contre une nation, un Etat et un peuple». S'exprimant dans un langage incisif, le président souligne dans sa lettre que cette colonisation «est la forme la plus barbare qui soit, en ce sens qu´elle était caractérisée par la destruction et les violations flagrantes des droits naturels et civiques les plus élémentaires du peuple algérien». Preuve en est, poursuit-il, que «plusieurs historiens français intègres ont levé le voile sur les crimes odieux commis par le colonisateur contre le peuple algérien et ont fait la lumière sur la réalité des pratiques abjectes qui demeureront un point noir dans l´Histoire de la France coloniale». Cette déclaration, la énième du genre du premier magistrat du pays, renseigne bien sur l'état d'esprit qui règne actuellement entre Paris et Alger. Comme elle confirme une fois de plus que le traité d'amitié qui devait être signé avant la fin 2005 est renvoyé aux calendes grecques. Avec la polémique qu'a suscitée la loi du 23 février glorifiant le colonialisme, le traité est loin d'être pour demain. D'ailleurs, le président Bouteflika ne compte plus revenir sur ses propos et refuse de signer l'accord avant que la France fasse acte de repentance. Donc, la balle est dans le camp de l'Elysée qui semble avoir compris normalement le message du président. Ce dernier trouve vraiment étonnant que subsiste, encore aujourd´hui, un amalgame entre le mensonge politique et la lutte pour l´influence et les vérités historiques immuables sur lesquelles se fondent les relations entre les peuples et les nations. «Ces vérités, a-t-il dit, doivent être explicitées en toute fidélité à l´Histoire et avec probité scientifique, avec courage et surtout avec conscience et responsabilité pour éviter qu´elles ne demeurent source d´animosité et de doute et un terreau pour les concepts extrémistes et les desseins malintentionnés.» Après avoir souligné que l´Histoire «n´appartient à personne et que nul n´a le droit de l´exploiter pour servir ses propres intérêts et ses visées personnelles», le président de la République a ajouté que le colonialisme français en Algérie «a été une violation flagrante du droit international humanitaire et s´inscrit en contradiction avec les dispositions de la résolution de La Haye de 1907, la convention de Genève de 1949 et les accords suivants». Le droit, la logique et la réalité vécue attestent, argumente-t-il, de la vérité historique de la colonisation française de l´Algérie. Car il s´agit là, signale-t-il, d´un droit historique que revendique la conscience humaine collective et non pas une affaire qui concerne les seuls Algériens. «L´acte de colonisation est condamnable de par sa nature et révocable de par ce qu´il représente, et à juste titre lorsqu´il est empreint de cette barbarie et de cette brutalité qui sont le propre de la colonisation française en Algérie», dira le président en affirmant qu'il ne saurait y avoir de bon ou de mauvais colonialisme et que toute tentative de brouiller les cartes en tentant de le justifier ou de le glorifier ne saurait lui conférer une quelconque légitimité ni effacer ses séquelles. Le président prévient que toute entreprise en ce sens ne fera bien au contraire que rouvrir les plaies et entraver les efforts de ceux qui oeuvrent pour la «refondation» d´une relation équilibrée entre deux Etats souverains. Voulant répondre aux courants qui disent que le colonialisme était positif pour l'Algérie, le président a remonté les faits jusqu´à la période du Dey pour démontrer que l'Algérie était un Etat souverain nourri d'une culture et d'une identité et qu'elle entretenait des relations avec les USA. Avant de conclure son message, le président a tenu à expliquer qu´ il est difficile de cacher la vérité historique et que son écriture «relève de la seule compétence des historiens, des scientifiques et des chercheurs et il revient aux peuples et aux nations de façonner cette Histoire». En réaction à la loi du 23 février, Abdelhamid Mehri, a déclaré: «L´option de la résistance est inéluctable.» Ce dernier a mis l'accent sur la nécessité de constituer «un front de désobéissance» qui ne signifie pas la confrontation mais plutôt «une prise de conscience de la nécessité de ne pas se soumettre à la politique du fait accompli, tout en cherchant l´alternative aux principales questions posées dans le monde».