L'opposition a affirmé, hier, avoir obtenu «une majorité confortable» à l'Assemblée nationale, peu après la revendication de la victoire par le camp présidentiel des élections législatives de dimanche au Sénégal. En fin de soirée dimanche, Aminata Touré, tête de liste de la coalition présidentielle, a assuré avoir gagné 30 départements, sur les 46 que compte le Sénégal et des circonscriptions à l'étranger, tout en reconnaissant la défaite à Dakar, la capitale. «Ceci nous donne incontestablement une majorité à l'Assemblée nationale», a-t-elle déclaré. «Nous avons suivi avec stupéfaction la sortie Mme Mimi Touré qui (...) se présente en porte-parole du président Macky Sall qui cherche encore une fois à confisquer les suffrages des Sénégalais qui viennent de donner une majorité confortable à l'Assemblée nationale à l'intercoalition Yewwi Wallu», a réagi la principale coalition de l'opposition. Pas plus que le camp présidentiel, l'opposition ne précise dans son communiqué le nombre de députés obtenus par son camp, ni s'il s'agit d'une majorité relative ou absolue, mais parle de «tendances lourdes tirées des PV (procès verbaux) en notre possession et bien relayées par la presse nationale». «Nous tenons à témoin l'opinion nationale et internationale contre toute tentative de manipulation des résultats (...) et nous appelons également tous les Sénégalais à rester debout pour la sécurisation de la victoire du peuple», poursuit le communiqué. L'opposition a affirmé vouloir mettre à profit ces élections pour imposer une cohabitation au président Sall, qui espère, lui, conserver une large majorité. Ces législatives, dernier scrutin avant la présidentielle de 2024, font figure de test après les élections locales de janvier, remportées par l'opposition dans de grandes villes de ce pays d'Afrique de l'Ouest réputé pour sa stabilité, comme Dakar, Ziguinchor (sud) et Thiès (ouest). Ces élections, à un seul tour, visent à renouveler pour cinq ans les 165 sièges du Parlement monocaméral largement contrôlé par le camp présidentiel. Macky Sall a promis de nommer un Premier ministre - poste qu'il avait supprimé puis rétabli en décembre 2021 - au sein de la formation victorieuse des élections. Les résultats globaux provisoires seront donnés au plus tard vendredi par la Commission nationale de recensement des votes (CNRV), mais les médias locaux et principaux mouvements politiques égrènent des résultats partiels depuis dimanche soir. Les premières tendances rapportées par les médias font état d'un scrutin serré et d'une belle percée de l'intercoalition Yewwi/Wallu, notamment dans les centres urbains. «Yewwi Askan Wi» (Libérer le Peuple en wolof), la principale coalition de l'opposition, formée autour d'Ousmane Sonko, arrivé troisième de la présidentielle de 2019, s'est alliée à la coalition «Wallu Sénégal» (Sauver le Sénégal en wolof), dirigée par l'ex-président Abdoulaye Wade. Le vote s'est déroulé dimanche dans le calme et sans incident majeur, avec un taux de participation de 47%, selon le ministère de l'Intérieur. La Commission nationale électorale autonome (Cena), qui supervise le vote, avait déployé quelque 22 000 observateurs. Des experts de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et de la Francophonie étaient également présents. Les députés sont élus selon un mode qui panache scrutin proportionnel avec des listes nationales pour 53 parlementaires, et scrutin majoritaire dans les départements pour 97 autres. La diaspora dispose de 15 députés. Le scrutin se déroule dans un contexte de hausse des prix, conséquence notamment de la guerre en Ukraine, argument utilisé par l'opposition contre le pouvoir qui met en avant les subventions des produits pétroliers et des denrées alimentaires ainsi que son programme de construction d'infrastructures. L'opposition veut aussi contraindre Sall à renoncer à toute velléité de candidature en 2024. Le président Sall, élu en 2012 pour sept ans et réélu en 2019 pour cinq ans, maintient le flou sur ses intentions à 19 mois de la présidentielle. «Si Macky Sall perd les législatives, il ne parlera plus de 3e mandat», a assuré M. Sonko. La pré-campagne avait été marquée par de violentes manifestations qui avaient fait au moins trois morts en raison de l'invalidation par le Conseil constitutionnel des titulaires de la liste nationale de la coalition dirigée par Sonko, contraints de renoncer à participer aux élections.