C'est contre le silence et l'oubli que doit se diriger le futur traité d'amitié. A l'occasion de la Fête de l'indépendance et de la jeunesse, le président de la République a demandé à l'ancienne puissance colonisatrice de reconnaître publiquement les crimes qu'elle a commis et de présenter publiquement ses excuses aux victimes. Ce qui a remis au goût du jour la loi du 23 février et son article 4 qui glorifie le rôle joué par France en Algérie. Invité de la Chaîne III, Ali Haroun, ancien membre du HCE, de la Fédération de France et du Cnra (Comité national de la révolution algérienne), a saisi l'opportunité pour revenir sur les débats qui ont suivi l'abrogation de l'article en question. De son point de vue, «il faut toute raison garder, ramener le débat à son véritable contexte. Cette loi est une loi française votée par le Parlement français. Il faut décomplexer le débat». Il met en garde afin de ne pas faire l'amalgame entre le peuple français et le colonialisme. «C'est le système colonial français que l'on a combattu et vaincu et non le peuple français», s'est-il exprimé. L'histoire ne peut être écrite par des lois. C'est aussi aux historiens que revient cette tâche. C'est sur la base des témoignages d'acteurs de cette tragédie et de données objectives qu'elle doit être écrite. Cette vision tronquée de l'histoire de la guerre d'Algérie s'est crispée autour de la présence d'une population étrangère, qui a ressenti dans sa chair cette provocation et ouvert des plaies loin d'être cicatrisées. La francophonie a remplacé l'idéologie comme exutoire de frustrations. En décidant d'une telle loi, les députés français auraient dû mesurer les conséquences qui s'ensuivraient. Confondre puissance et rôle positif de la colonisation près d'un demi-siècle après avoir abandonné l'un de leurs derniers territoires d'empire, c'est faire fi de 132 ans de présence en Algérie et des drames qui l'ont jalonnée. L'exposition coloniale de 1931 devait témoigner de la grandeur civilisatrice de la France. C'était la stratégie du pré carré et de l'exception française. Maintenir l'empire revenait à la conquête de nouveaux espaces pour mener des guerres et restaurer une certaine image de la puissance perdue et, dans son entêtement, la France a ouvert la voie des conflits et s'est enlisée dans une guerre aux conséquences que l'on connaît. De l'insurrection malgache de 1947, férocement réprimée, des milliers de morts, à Cao Bang qui signe la première défaite du corps expéditionnaire français, c'est la chronique d'un désastre annoncé de la fin de l'empire français. La France bascule dans la guerre d'Algérie avec son lot de drames et d'atrocités: 1.500.000 martyrs. A supposer qu'il faille réduire l'action civilisatrice française à un bilan au rôle positif, à quel prix pourrait-on évaluer les milliers de combattants algériens, tunisiens, marocains morts, pour la France en 14-18 et 39-45. Sur le plan du coût financier, l'Algérie et l'empire colonial français ont été conquis pour une bouchée de pain. D'après l'intendant du corps expéditionnaire français en Algérie, les dépenses engagées pour la prise d'Alger auraient coûté 48,5 millions de francs alors que le Trésor, récupéré de la Casbah constitué de lingots d'or et d'argent, fondus à l'hôtel des Monnaies de Paris, a rapporté 39,5 millions de francs et couvert les 4/5e de l'expédition. La France aura surtout mené une guerre sans mémoire et c'est contre le silence et l'oubli que doit se diriger le futur traité d'amitié pour écrire une histoire commune.