«La France doit reconnaître les crimes perpétrés par ses responsables contre le peuple algérien L'Algérie commémore, aujourd'hui, le 44e anniversaire des événements tragiques du 17 octobre 1961. Une manifestation pacifique qui s'est heurtée à une répression aveugle, où des centaines d'Algériens ont été tués et quelque 20.000 autres furent arrêtés et soumis à des scènes de torture d'une rare sauvagerie. Ce jour, des dizaines de milliers d'Algériens ont été massacrés, alors qu'ils manifestaient pacifiquement à Paris, à l'appel du FLN, contre le couvre-feu raciste imposé aux seuls Algériens par le préfet de police Maurice Papon. En sus des ratonnades et des scènes de torture dignes des nazis, des dizaines de manifestants sont jetés à la Seine. Une chasse à l'Arabe est alors lancée, à neuf mois seulement de l'indépendance du pays. C'était un véritable massacre à huis clos, les journalistes ayant été interdits de couvrir les événements. En effet, la couverture médiatique à Paris a réussi tant bien que mal à faire éclater la vérité, malgré la censure organisée par le pouvoir. Un pan entier de l'histoire coloniale qu'il est difficile de cerner, puisque jusqu'à nos jours la France refuse d'ouvrir les archives ayant trait à ces massacres. Cet anniversaire coïncide cette année avec l'ouverture du débat sur les crimes coloniaux en Algérie, depuis 1830 à la «bataille de Paris» en passant par les enfumades du Dahra... et les événements du 8 mai 1945. Les demandes incessantes des autorités algériennes de lever le voile sur certains épisodes de la colonisation ont été vaines. C'est ce qui a d'ailleurs amené un collectif d'une trentaine d'associations, de syndicats et de partis politiques français, à appeler à un rassemblement, hier à Paris «pour obtenir l'ouverture de toutes les archives sur cet événement, la reconnaissance officielle de ces massacres et sa prise en compte dans l'enseignement, l'abrogation de l'article 4 de la loi du 23 février 2005 qui veut imposer une histoire et un enseignement officiels». Le collectif exige également «l'arrêt des hommages inadmissibles, nombreux notamment dans le sud de la France, aux tueurs de l'OAS, jusqu'au-boutistes de la colonisation, à Nice, à Toulon, à Théoule, à Perpignan et récemment à Marignane». Comme ils ont demandé «la reconnaissance officielle de ce massacre » et sa « prise en compte dans l'enseignement» en France. Lors de leur rassemblement d'hier, les membres du collectif se sont rendus au Palais de justice et au cours duquel il a été réclamé la reconnaissance officielle, par les plus hautes autorités françaises, de «crime d'Etat» du 17 octobre et «vérité et justice» à son sujet. La même position a été affichée par l'élite intellectuelle française, qui demande aux autorités de demander pardon au peuple algérien. Ce qui est loin d'être réalisé, au vu d'abord de la loi du 23 février 2005 et ensuite de la glorification par les officiels français, celle qui aspire à un traité d'amitié avec l'Algérie, des harkis et de criminels de l'OAS. Le préalable posé par les autorités algériennes a été réitéré par l'ONM: «La France doit reconnaître les crimes perpétrés par ses responsables contre le peuple algérien», dans un communiqué rendu public à l'occasion de ce 44e anniversaire. Pour sa part la célèbre sociologue française Andrée Michel a souligné que «le pardon pour les crimes coloniaux ne fera que solidifier l'avenir des relations algéro-françaises». Pour elle, «la colonisation, au même titre que l'esclavage, est un crime contre l'humanité» Avant de reconnaître que «Je trouve tout à fait légitime que le Président Bouteflika et le peuple algérien souhaitent que la France demande pardon pour les crimes de son passé colonial» En somme, conclut Andrée Michel, «le pardon relève du courage politique». L'historien français Benjamin Stora a estimé qu' «il est du devoir des politiques qui doivent prendre toutes leurs responsabilités». «Ce n'est pas le travail des historiens», a-t-il ajouté, déplorant, «le silence des dirigeants et partis politiques». Pour sa part, l'historien Olivier Le Cour Grandmaison souligne que «les responsables politiques» français «sont encore incapables d'assumer le passé colonial de la France et de reconnaître les nombreux crimes commis dans les colonies en général, et en Algérie, en particulier».Il est donc clair qu'à la veille de la signature du traité d'amitié entre Alger et Paris, les crimes coloniaux planeront de nouveau sur des relations qui ont, depuis l'indépendance, évolué en dents de scie.