La bataille des gazoducs est relancée. Le roi du Maroc Mohammed VI fait des pieds et des mains pour saborder le mégaprojet du gazoduc transsaharien, devant relier l'Algérie, le Niger et le Nigeria, qui doit assurer l'approvisionnement de l'UE et stabiliser la région du Sahel. Le monarque alaouite ne veut pas s'avouer vaincu. Il ressort sa dernière cartouche. Celle qui doit contrecarrer cette réalisation majeure: le gazoduc West African Das Pipeline qui relie le Nigeria au Bénin, au Togo et au Ghana, auquel il ambitionne de raccorder son royaume. Le gazoduc Maroc-Nigeria, porté par le Roi Mohammed VI et le président nigérian Muhammadu Buhari, au service du développement économique et social, industriel et énergétique de l'Afrique, est «un projet structurant avec de multiples objectifs», a déclaré au début de ce mois, Amina Benkhadra, directrice générale de l'Office marocain des hydrocarbures et des mines lors de la 2e édition de la conférence des pays membres du bassin sédimentaire «Msgbc oil, Gas and Power» qui s'est déroulée au Sénégal. Ce projet «contribuera à l'émergence d'une zone nord-ouest africaine intégrée, à l'accélération de l'accès de l'Afrique de l'Ouest à l'énergie, et également à l'accélération des projets d'électrification au profit des populations», a-t-elle ajouté. Une offensive qui consiste ni plus ni moins à doubler, voire saborder, la méga infrastructure gazière, conçue par l'Algérie et le Nigeria dont la concrétisation a franchi de grands pas. En juillet 2016, à l'occasion du 27e Sommet ordinaire de l'Union africaine, le Nigeria réaffirmera sa volonté d'engager le lancement du gazoduc transsaharien, prévu d'être détenu à 90% par l'Entreprise nationale pétro-gazière Sonatrach et la compagnie pétrolière nationale du Nigeria Nnpc, et à 10% par la Compagnie nationale du pétrole du Niger. En décembre 2016, le roi du Maroc Mohammed VI tentera de le détourner. Il conclura avec le gouvernement du Nigeria une étude de faisabilité pour raccorder les deux pays en gaz à travers le gazoduc West African Das Pipeline. Sans succès. Ce qui ne l'a apparemment pas découragé pour revenir à la rescousse. Rester notamment dans cette course éperdue à devenir une pièce majeure de l'approvisionnement de l'Europe en gaz. Un statut qu'il rêve de disputer à l'Algérie qu'il n'a eu de cesse de provoquer sur d'autres plans. Il n'en a ni les moyens ni les compétences et ne pèse pas lourd. Le secteur pétro-gazier algérien c'est du béton armé. Ses réserves prouvées de gaz naturel s'élèvent à près de 2 400 milliards de m3. Elle fournissait environ 11% du gaz consommé en Europe avant la guerre en Ukraine, contre 47% pour la Russie et occupe le 7e rang mondial. Ses capacités de production vont de surcroît être décuplées depuis la découverte du mégagisement de Hassi R'mel. Son exploitation qui débutera en novembre prochain permettra de produire 10 millions de m3 par jour. Ce qui lui donne les moyens de renforcer sa position sur le marché européen. La crise énergétique provoqué par le conflit ukrainien a fait de l'Algérie un pays central en matière d'approvisionnement de gaz à l'Europe, notamment. Le Vieux Continent qui risque de souffrir de cette ressource, cet hiver en particulier a su frapper à la bonne porte pour tenter d'échapper à une crise majeure. Trouver une alternative consiste à s'appuyer sur d'autres partenaires sûrs. L'Algérie en est un et à long terme surtout avec l'entrée en service du gazoduc transsaharien. D'une longueur de plus de 4128 kilomètres et d'une capacité annuelle de trente milliards de m3. Il partira de Warri, la plus grande ville de l'Etat du Delta, au sud du Nigeria, pour arriver à Hassi R'Mel, en Algérie en traversant le Niger. Ce projet «stratégique» commun, reliera le marché européen aux champs gaziers du Nigeria via l'Algérie et le Niger. Il viendra s'ajouter à deux autres gazoducs à caractère structurant, régional et intercontinental: le gazoduc Medgaz qui relie l'Algérie à l'Espagne à partir de Beni Saf jusqu'au port d'Almeria par voie sous-marine, ainsi que le gazoduc Galsi qui relie, via la Sardaigne, l'Algérie et l'Italie. Face à la puissance d'un tel «arsenal énergétique» la gesticulation marocaine ressemble à une tempête dans un verre d'eau.