Poussé par la décision de son allié turc de se rapprocher de l'entité sioniste, le mouvement islamiste palestinien Hamas rétablit des relations avec la Syrie, après 10 années de froid déclenché par la guerre qui ravage ce pays. L'annonce, discrète, n'a pas fait la Une mais témoigne des changements au Moyen-Orient. En septembre, le Hamas a annoncé la «reprise» de ses relations avec la Syrie du président Bachar el-Assad, «à la lumière de rapides développements régionaux et internationaux liés à notre cause», une référence implicite au rapprochement de la Turquie avec l'ennemi sioniste. Le Hamas contrôle la bande de Ghaza, mais ses principaux dirigeants vivent en exil. Pendant des années, le mouvement palestinien avait ainsi son bureau politique à Damas et la capitale syrienne avait été l'hôte de son ténor Khaled Mechaal. Mais en 2012, la relation s'est détériorée sur fond de désaccords sur le conflit en Syrie. Issu de la mouvance des Frères musulmans, très impliquée dans les printemps arabes, le Hamas avait soutenu les rebelles syriens opposés au régime. Furieuse, la Syrie avait fermé les bureaux du Hamas sur son sol. Les dirigeants du mouvement ont dans la foulée migré vers le Qatar et la Turquie, pays où passent la plupart de leur temps Mechaal et Saleh al-Arouri, un autre cadre de l'organisation. Mais au cours des derniers mois, l'entité sioniste et la Turquie ont rétabli leurs relations diplomatiques, après des années de brouille liée à l'affaire du Mavi Marmara, navire turc qui avait tenté en 2010 d'acheminer de l'aide à Ghaza et contre lequel les forces israéliennes avaient lancé un assaut meurtrier. Ce rapprochement a placé le Hamas devant un dilemme, explique l'un de ses dirigeants sous couvert d'anonymat: soit épouser le camp des pays ayant normalisé leurs relations avec l'Etat hébreu, soit renforcer sa position dans «l'axe de la résistance» mené par l'Iran et ses alliés régionaux, notamment le Hezbollah libanais et les Houthis au Yémen. Au cours des derniers mois, des dirigeants du Hamas ont ainsi multiplié les entretiens «secrets et publics» avec de hauts responsables syriens via la médiation de l'Iran et du Hezbollah, pour se distancer avec la Turquie et se rapprocher de la Syrie, poursuit cette source. Des dirigeants de l'organisation ont aussi rencontré à Moscou Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie de la Russie, un allié clé de la Syrie. Pour l'Iran, le rapprochement Hamas-Damas s'inscrit dans une volonté de «consolider» son «axe», en cas par exemple de non-renouvellement de l'accord international sur son programme nucléaire ou de tensions à la frontière du Liban. Selon le haut responsable du Hamas, le mouvement s'apprête à rouvrir un «bureau de représentation à Damas» à titre de «première étape en vue d'un rétablissement des anciennes relations». Un déplacement du QG du mouvement à Damas «exposera les dirigeants et les militants du mouvement aux dangers d'un ciblage par Israël», qui mène régulièrement des frappes aériennes contre des éléments pro-iraniens en Syrie, explique un observateur. La décision de renouer les relations avec la Syrie a été prise «après une étude approfondie» du contexte «local, régional et international», assure Bassem Naïm, un haut responsable politique du Hamas, soulignant que la «majorité des opinions» étaient «favorables» à ce rapprochement. Et d'ajouter: «Nous nous opposons à la normalisation. Il n'y a pas d'autre choix pour le Hamas que d'être dans l'axe de la résistance».