Le chanteur se trouve, selon des sources médicales, dans «un profond coma». Le grand maître du chaâbi, El Hachemi Guerrouabi, a été évacué hier à l'hopital de Zéralda suite à une crise cardiaque. Le chanteur se trouve, selon des sources médicales, dans «un profond coma». Il a déjà été hospitalisé vendredi dernier suite à une insuffisance respiratoire selon les mêmes sources et été placé depuis sous surveillance médicale. El Hadj El Hachemi Guerrouabi que ses admirateurs, et notamment, ses fans espéraient qu'il saurait encore résister à la maladie quelques années de plus, comme il le fit depuis son hospitalisation l'an dernier à Paris, se trouve aujourd'hui entre la vie et la mort. Guerrouabi qui restera un cas atypique dans la chanson populaire algérienne a été celui qui, à l'instar du grand Hadj M'hamed El Anka, a marqué le plus le chaâbi en lui apportant sa touche particulière, inimitable jusqu'à ce jour. Sur un autre registre que celui du maître incontesté du chaâbi, le «cardinal» El Hadj El Anka, Guerrouabi en donnant un ton moderniste au genre -sans pour autant sortir des chemins battus ou, en d'autres termes sortir de l'orthodoxie traditionnelle- a su renouveler le chaâbi par la magie des mots en y introduisant des poèmes sur le vécu et en interprétant des morceaux -plus courts- en phase avec un public jeune qui était celui de l'indépendance. D'une certaine manière, Guerrouabi a, pour ainsi dire, revitalisé un mode populaire devenu, sous certains de ses aspects, impénétrable. El Barah (hier j'avais 20 ans) El Hazzaz, Allo, Allo, légers, sans faire dans la légèreté, ont en fait constitué une rupture avec une certaine norme du code «populaire» en induisant une autre manière d'interpréter les qasidas et m'dih dont il fut l'un des continuateurs les plus patentés. La disparition du maître, constitue en fait une grande perte pour les genres musicaux algériens d'une manière générale, pour le chaâbi plus particulièrement qui reste très prisé parmi les mélomanes. Cet enfant de Belcourt (Belouizdad), né un 6 janvier 1936 à El Mouradia (Le Golf à Alger), a été un amateur de football (il a été un supporter inconditionnel de l'USM Alger) qu'il pratiqua dans son jeune âge. Il joua en 1951-1952 en tant qu'ailier droit, comme on disait à l'époque, avec le club de La Redoute AC un quartier du Golf. El Hachemi Guerrouabi qui cherchait encore sa vocation a également joué de la comédie où il fut très bon, nous dit la chronique, se produisant notamment à l'Opéra d'Alger. Mais c'est l'art lyrique, la chanson et la musique, qui l'habitait et allait, en fait, accaparer toutes ses forces. Dès l'âge de neuf ans il tâte à divers instruments -guitare, banjo- et s'essaya à la chansonnette, côtoyant dès 1950 les grands maîtres de l'époque que sont Hadj El Anka, Hadj M'rizek, H'ssissen, Mohamed Zerbout et Lachab, ce dernier ayant été son mentor et formateur. Mais, c'est le compositeur Mahmoub Bati, découvreur de talents, qui allait être derrière la prodigieuse carrière de l'interprète de l'immortel «Youm El Djemaâ». Il se produisait notamment au music-hall El Arbi où il obtint deux prix, lançant et traçant la carrière qui allait être la sienne. Mais c'est dans les années 53-54, époque où il rejoint l'Opéra d'Alger, grâce à Mahieddine Bachetarzi, qu'El Hachemi Guerrouabi va connaître en fait son véritable envol s'imposant autant par son talent que par la fraîcheur qu'il apporta à un genre en pleine mutation qui vit éclore d'autres jeunes comme Mohamed Boudjemaâ, dit El Ankis, H'sen Saïd, Amar Ezzahi. Guerrouabi, El Ankis, H'sen Saïd et Ezzahi -qui représentaient l'avenir du genre- chantèrent l'indépendance en interprétant l'immortelle «Hamdoulilah, kh'raj lista'âmar men bladna». Sous la direction du «cardinal» El Hadj El Anka. C'était un gage qui était donné tant à l'avenir qu'à un genre musical qui allait connaître une grande mutation sous, notamment, l'impulsion d'un jeune inspiré qui sut à merveille redonner au chaâbi sa dimension d'art à nul autre pareil. Alors que l'on tente de savoir qui est le «maître incontesté» du chaâbi, au moment ou Guerrouabi lutte contre la mort laissant plutôt à l'histoire le soin de départager deux des grands interprètes de ce genre traditionnel, spécifiquement algérois, que sont les maîtres El Hadj M'Hamed El Anka et El Hachemi Guerrouabi. Une disparition de Guerrouabi sera d'autant plus ressentie que le maître a su synthétiser un genre réputé difficile, peu maniable et ne se prêtant pas, à l'instar d'autres genres musicaux, sinon aux fantaisies, du moins aux variations qu'il lui apporta pourtant, au grand bonheur des amoureux d'un genre qui restera à jamais lié à ce particularisme propre à Alger qu'est le chaâbi, genre populaire par excellence, le plus représentatif d'Alger, auquel Guerrouabi, notamment, a su rendre tout son attrait et sa vivacité.