La décomposition du terrorisme et l'émergence de nouvelles formes de criminalité ont totalement remodelé la conception de la sécurité. «Les effectifs du corps de sécurité devront atteindre d'ici à trois ans 200.000 policiers et 100.000 gendarmes pour le renforcement du dispositif sécuritaire». Cette annonce a été faite hier, à Alger, par le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Nouredine Yazid Zerhouni, en marge de la cérémonie du dépôt de gerbe de fleurs, à l'occasion de la fête de la police, au siège de la Direction générale de la Sûreté nationale. «Notre objectif est d'atteindre 200.000 policiers et 100.000 gendarmes d'ici à trois ans», a-t-il déclaré, au motif que ce sont les impératifs de la sécurité intérieure qui ont mené à cette augmentation remarquable des effectifs des services de sécurité. Précisant que la lutte contre le banditisme «ne peut s'effectuer sans la densification du nombre des policiers et des gendarmes à travers le territoire national», il a précisé que le coût de ce verrouillage reste élevé: «Ce projet est très important et demande un budget financier consistant que nous allons lui attribuer». Zerhouni a souligné, en outre, l'importance et la nécessité de combler le «vide» existant en matière de sécurité dans les daïras, précisant que sur 550 d'entre elles, 250 uniquement sont munies de brigades de services de sécurité. «Il faut combler le vide qui existe, soit par des brigades de la Gendarmerie nationale, soit par la police», a-t-il dit. Pour le ministre, il ne peut y avoir d'éradication, notamment du banditisme sans doubler les effectifs, rappelant, par la même occasion, la relation «indirecte» du terrorisme avec le banditisme. En pleine restructuration, les services de sécurité en Algérie doivent aussi répondre aux exigences d'efficacité et de compétence, tout en s'inscrivant dans un cadre qui se veut désormais respectueux des droits de l'homme. D'où les récents cursus introduits dans la formation des agents de l'ordre public donnant une place privilégiée au respect des droits de l'homme. Il y a quelques jours, la Dgsn annonçait l'ouverture de six brigades de police au niveau de la seule wilaya de Tizi Ouzou, où la montée en puissance de la criminalité fait craindre le pire. Cette nouvelle reconfiguration, assure-t-on, est justifiée par le contexte post-terroriste et les nouvelles formes de criminalité qui ont émergé depuis 2001-2002. En 1992, le GIA a été créé alors que la législation algérienne ne connaissait pas encore le terme «terroriste». La création de l'Office national de la répression du banditisme, constitué de structures d'élite du Département Recherches Sécurité, de la police et de la Gendarmerie nationale, est vite remplacé par une coordination de la lutte antisubversive, structure opérationnelle de l'armée et du renseignement. La décomposition du djihad et les démembrements du terrorisme post-GIA ont généré de nouvelles formes de criminalité, qui, depuis 2002, font florès parmi les bandes organisées au centre du pays, à l'est et au Sahara jusqu'aux confins de la bande du Sahel. Des milliards de dinars sont ainsi chaque année engrangés: braquage de banque, détournement de matériel (hospitalier et agricole surtout), attaques de bases-vie au Sud et kidnapping d'enfants et de parents de gros commerçants et industriels suivis de demandes de rançon: c'est le règne du «gangsterrorisme», une forme de criminalité atypique à cheval entre le terrorisme , le banditisme et le crime organisé, forme de criminalité rendue d'autant plus complexe qu'elle met en connexion plusieurs groupes dont l'objectif diffère mais qui établissent des «relations de complémentarité», et sont liés par des convergences temporaires d'intérêts. Les bilans donnés annuellement par les services de sécurité font dresser les cheveux sur la tête et renseignent sur le degré avancé de la déliquescence atteint. La décomposition du terrorisme et l'émergence de nouvelles formes de criminalité ont totalement remodelé la conception de la sécurité. De sorte que l'Algérie évoluera certainement, d'ici à l'horizon 2009, vers une méga-structure de sécurité rattachée à la présidence de la République et dirigée par un «Monsieur Sécurité nationale», qui chapeautera une bonne dizaine de services de sécurité et de renseignements opérationnels. Cette Direction de la Sécurité nationale se trouvera alors appelée à gérer un lourd dossier où les problèmes les plus variés de société, politiques, de quartier, et qui vont de la grande criminalité à la petite délinquance, côtoieront d'autres, plus complexes, comme le terrorisme, le banditisme et les réseaux maffieux. Au chapitre de la lutte contre le terrorisme, Zerhouni affirme que «la politique de la lutte contre le terrorisme se poursuivra même après la fin de l'échéance de la mise en oeuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale». Le ministre a saisi cette occasion pour lancer un appel «à ceux qui ne se sont pas encore rendus» afin de saisir l'opportunité qui leur est offerte par les dispositions de la charte. «Les personnes (terroristes, Ndlr) qui ont compris le sens de la politique de la réconciliation et de ses textes, doivent en profiter et ils sont les bienvenus», a-t-il dit, sinon, «nous les combattrons par tous les moyens», a encore souligné M.Zerhouni.