Le gouvernement français a dévoilé, hier, sa réforme des retraites, dont la mesure phare sera l'allongement de l'âge de départ à 64 ou 65 ans, contre 62 aujourd'hui, ce qui annonce d'intenses manifestations. La Première ministre Elisabeth Borne a présenté ce plan controversé, sur lequel le président Emmanuel Macron s'est engagé dès la campagne de son premier mandat, mais qui est vilipendé par le monde syndical. «On revient à ce qu'ont connu nos anciens, c'est-à-dire qu'après le travail c'est le cimetière», dénonce le patron du syndicat CGT, Philippe Martinez. D'après l'Institut français de statistique, un quart des hommes les plus pauvres sont déjà morts à 62 ans. La France a connu depuis une trentaine d'années une série de grandes réformes de ses systèmes de retraite pour répondre au vieillissement de la population et à la dégradation financière de ses caisses. À chaque fois ou presque, l'allongement annoncé du temps d'activité avait provoqué des mouvements sociaux, dans un pays où le taux d'emploi des seniors est particulièrement bas. Elisabeth Borne aurait, selon plusieurs de ses interlocuteurs, proposé un report de l'âge légal de départ à 64 ans, au lieu de 62 actuellement, après avoir envisagé 65 ans. En échange, l'Exécutif serait prêt à relever le minimum retraite à 1 200 euros pour l'ensemble des retraités. La France est un des pays européens où l'âge légal de départ à la retraite est le plus bas, sans que les systèmes de retraite soient complètement comparables. C'est 65 ans en Allemagne, Belgique ou Espagne, 67 ans au Danemark selon les données du Centre des Liaisons européennes et internationales de sécurité sociale, un organisme public français. Mais la mesure d'âge reste fortement impopulaire. Plus de deux tiers des Français (68%) sont défavorables au report à 64 ans, selon un sondage Ifop-Fiducial. «Je comprends, d'un côté, l'élément rationnel de devoir financer nos retraites parce que sans cela, on va nulle part. Mais en même temps, est-ce que travailler aussi longtemps que prévu dans la réforme, c'est aussi une bonne chose?», s'interroge Olivier Rohas, un chargé de mission à Lille (Nord). «À partir de 50 ans, il est difficile pour quelqu'un de trouver un emploi. Donc, que va-t-il faire de 50 à 65 ans? Pendant quinze ans, il va rester demandeur d'emploi avant de passer à la retraite», observe Emmanuel, un entrepreneur à Versailles, en banlieue parisienne. Sur l'échiquier politique, les oppositions de gauche, de gauche radicale et d'extrême droite ont toutes déjà manifesté leur hostilité à une réforme qualifiée d'«injuste». Le gouvernement français espère donc rallier les élus de la droite modérée (Les Républicains-LR), dont le patron Eric Ciotti s'est à l'inverse déjà dit prêt à «voter une réforme juste». Le texte sera examiné en Conseil des ministres le 23 janvier mais les syndicats, qui se réunissaient hier soir, envisagent de mobiliser avant, alors que la coalition de gauche Nupes tient meeting les 10 et 17 janvier et que LFI (gauche radicale) manifeste le 21. Le projet de loi doit passer en commission à l'Assemblée nationale à partir du 30 janvier, et dans l'hémicycle le 6 février. Samedi, les «gilets jaunes» - dont les rassemblements hebdomadaires pendant plus d'un an avaient fortement marqué le premier mandat d'Emmanuel Macron - ont tenté de remobiliser. Seules 4700 personnes, dont 2000 à Paris, selon le ministère de l'Intérieur, étaient présentes pour ce premier raout, rythmé par des chants hostiles au président français, mais sans les violences qui avaient émaillé le mouvement de fin 2018 à début 2020.