La condamnation en première instance à deux ans et demi de prison ferme de 13 migrants soudanais par la justice marocaine, arrêtés dans le cadre du drame de Mellila qui a vu périr sous les coups des forces de l'ordre du Makhzen 39 migrants parmi le millier ayant tenté de pénétrer dans l'enclave espagnole a été jugée insuffisante en appel. Hier, ils ont vu la sentence durcie et portée par la chambre criminelle de la cour d'appel de Nador à trois ans ferme pour chacun, selon la déclaration de leur avocat Mbarek Bouirig. Les ONG internationales n'ont pas cessé de réclamer une enquête transparente sur le drame de ces migrants coupables d'avoir effectué une entrée de force fin juin 2022 à Melilla mais aussi bien la justice espagnole qui a classé l'affaire sans suite, considérant que les policiers de l'enclave ne sont en rien responsables du meurtre des 39 migrants pris au piège parmi des centaines d'autres que la justice marocaine qui estime que la peine doit être maximale pour conforter l'image de rigueur et de dévotion des gardes du royaume envers la sécurité frontalière espagnole, il est vrai rétribuée en bonne et due forme, Madrid comme Rabat considèrent donc que les migrants sont dans leur tort et qu'ils doivent payer le prix fort de leur mésaventure. Les 13 survivants de la tragédie étaient poursuivis notamment pour «participation à une bande criminelle d'immigration clandestine», «entrée illégale» au Maroc et, comble de l'indécence, «violence envers des agents de la force publique», selon Me Bouirig. Les images divulguées sur les réseaux sociaux au lendemain des échauffourées meurtrières ont pleinement indiqué la manière dont les quelque 2000 migrants qui ont essayé de rejoindre la cité autonome espagnole de Melilla, au nord du Maroc, ont été entraînés dans un guet-apens où les attendaient des centaines de gardes marocains qui ont brutalisé et agressé violemment nombre d'entre eux, faisant 23 morts selon les autorités marocaines elles-mêmes et 27 d'après l'Association marocaine des droits humains (AMDH). L'ONG Amnesty International a qualifié ce drame de «tuerie de masse» et accusé Rabat et Madrid de chercher à cacher la vérité sur un drame qui a coûté la vie, au final, à 39 migrants soudanais, pour la plupart. Evidemment, la Délégation interministérielle aux droits de l'homme (DIDH), une instance marocaine proche du gouvernement Akhannouch, a accusé l'ONG internationale de «manque d'objectivité et d'impartialité». Uniques frontières terrestres de l'Union européenne avec le continent africain, les enclaves de Ceuta et Melilla valent au Makhzen des dividendes versés annuellement par Bruxelles afin de protéger la «sécurité» et la «tranquillité» des enclaves et Rabat s'acquitte avec diligence de sa mission, le drame le plus meurtrier jamais enregistré dans les nombreuses tentatives de migrants subsahariens aux portes de Melilla et Ceuta ayant été programmé dans le sillage des retrouvailles entre l'Espagne et le Makhzen, après une brouille politique liée au dossier du Sahara occidental. Le chantage marocain avait alors consisté à lancer à l'assaut des deux enclaves des vagues de migrants téléguidées dans le but de contraindre Madrid à s'aligner sur la thèse marocaine et c'est bien ce qu'il s'est produit lorsque le chef du gouvernement Pedro Sanchez a tourné casaque pour épouser les vues du Makhzen. À maintes reprises, des dizaines de migrants arrêtés dans le contexte de Melilla ou par-delà ont été condamnés à des peines de deux à trois ans de prison ferme. Quant aux victimes du massacre de juin 2022, la réponse de Madrid et de Rabat est claire: il ne s'est rien passé à Melilla.