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«Driancourt, de quoi est-il le nom?»
Myssa Messaoudi, traductrice auprès des ambassades et organismes internationaux
Publié dans L'Expression le 30 - 01 - 2023

L'Expression: Quelle lecture faites-vous de la dernière sortie médiatique de l'ancien ambassadeur de France en Algérie?
Myassa Messaoudi: La tribune de M. Driancourt a suscité beaucoup de réactions mais très peu de réflexion. Il ne s'agit pas de fulminer à propos d'une sortie tonitruante dans la presse de M. Driancourt, mais de savoir de quoi cet ancien représentant de la diplomatie française est-il le nom. Que signifie qu'un ancien diplomate, deux fois ambassadeur en Algérie, ancien directeur général de l'administration du quai d'Orsay, chef de l'inspection générale des Affaires étrangères, publie une tribune dans un quotidien national tout aussi important pour dire ses «quatre vérités à l'Algérie», et alerter, tenons-nous bien, sur la chute probable de la France par la «faute» de l'Algérie?
Avant de dire qui est M. Driancourt, il convient d'interroger d'abord l'institution qu'il représentait, à savoir la diplomatie française. Or, il s'avère, que s'agissant du Sud en général, et de l'Afrique en particulier, les relations diplomatiques entre la France et ses anciennes colonies sont encore empreintes d'un paternalisme toxique. La libération des territoires dans les anciennes colonies n'ayant pas toujours été complétée de souveraineté réelle sur l'économie, de libération des individus et de l'expression libre, l'ancien colonisateur a gardé la mainmise sur des élites politiques majoritairement issues de processus politiques, tout sauf légitime et démocratique. Ainsi, certains ambassadeurs se comportent parfois d'une manière ouvertement dirigiste. En faucons et non en diplomates. Ils s'immiscent dans les affaires intérieures de ces pays, ce qui participe à maintenir des régimes dictatoriaux voire mafiocratiques. Les exemples en la matière sont légion, de la souveraineté monétaire estropiée dans des pays africains sommés à l'adoption du franc CFA, aux alliances les plus tragiques ayant débouché sur des meurtres de masse, pour s'assurer la prédation des ressources de ces pays. En Algérie, cette diplomatie a proliféré sous le bouteflikisme. Tout le monde se souvient du cortège d'officiels français cautionnant les mandats illimités d'un président-momie. Ou de la célèbre sortie de l'ancienne ministre des Affaires étrangères française, Alliot-Marie, proposant le «savoir-faire» français pour «mater» les manifestants tunisiens contre la dictature de Ben Ali.
C'est donc cette diplomatie qui est, aujourd'hui, décriée?
En effet, la survenue du monde multipolaire, les conséquences tragiques des interventions occidentales brutales qui n'ont suscité que désordres et chaos, font qu'il n'est plus acceptable que ce type de diplomatie complice du pire puisse se perpétuer. Je pense que c'est de ces pratiques qu'est issu le nom M.Driancourt. Et si effondrement il y a, c'est d'abord celui d'un monde où la caution et la légitimation de la France pour des régimes criminels, et ce contre le pillage des richesses n'ont plus d'effet. L'Afrique n'a pas besoin de nouveaux maîtres qui ont troqué leur casquette militaire contre des cols blancs, mais de respect de sa souveraineté, et de partenariat de développement équitable et respectueux aussi bien de son environnement, qu'un certain consumérisme et ordre libéral débridé tente de transformer en poubelle, que de l'évolution naturelle de ses sociétés vers des modèles démocratiques égalitaires. L'interventionnisme, qu'il soit armé ou juridique, participe au désastre humain et environnemental qu'on observe presque partout dans la planète. Déplacement des populations qui fuient les guerres, absence d'horizon économique, accroissement des groupes djihadistes qui prolifèrent sur les territoires laissés à l'abandon après les interventions. Aucune reconstruction, aucun plan de développement n'est esquissé une fois la machine de guerre passée.
Mais on pense repousser cette misère humaine en érigeant des murs et en payant des pays pour servir de boucliers...
Bien au contraire, il en résulte de la fragilité, des chantages, et des misérables attaques à boulets «humains». Il vaut mieux investir dans le codéveloppement, l'échange équitable et non uniquement dans les solutions sécuritaires. Personne ne quitte son pays par fantaisie, mais le plus souvent pour survivre. C'est humain!
Les déclarations de l'ancien ambassadeur intervenant au moment où les relations franco-algériennes commencent à peine de se stabiliser ne répondent-elles pas à des desseins inavoués?
La France vit un contexte particulier aujourd'hui. C'est une démocratie descendante et une puissance en déclin qui se débat face à d'énormes défis. La guerre en Ukraine a révélé la fragilité énergétique de l'Union européenne, mais aussi son incapacité à assurer sa propre défense sans le recours à la puissance américaine, c'est-à-dire l'Otan. Cela a un prix, une souveraineté nationale mise à mal, et des factures qui n'en finissent plus pour financer leur «protection». L'extrême droite exulte dans toute l'Europe. En France, le parti de Madame Le Pen est la première force d'opposition du pays. D'où ce discours xénophobe ambiant décomplexé. Le recours à la mémoire coloniale pour mousser un égo nostalgique du grand empire, à l'instar des pays arabo-musulmans avec leurs conquêtes passées, l'Andalousie et le fameux empire mahométan. Les deux nostalgies parasitent l'examen d'une histoire dépassionnée et factuelle. Les deux favorisent le fantasme et l'occultation du côté obscur de toute invasion. Là aussi, le parallèle est semblable à nos approches sélectives de l'histoire qui plombent notre regard vers l'avenir.
Mais il faut avouer que ce n'est pas la seule réalité de la France actuelle...
C'est exact. Dans ce pays riche en idées et en écoles avant-gardistes de la pensée, il existe aussi d'autres lignes et vues. La société française est en train de se redéployer sur de nouveaux paradigmes démographiques et humains en adéquation avec le métissage de la société. Certaines sont bénéfiques, car elles redessinent des rapports beaucoup plus équilibrés et justes avec les pays issus des anciennes colonies. D'autres le sont beaucoup moins, comme l'islamisme, le wokisme et la cancel culture (idéologies importées respectivement du Moyen-Orient et des Etats-Unis), et qui pratiquent une approche de la terre brûlée vis-à-vis de la raison et de l'héritage civilisationnel considéré comme subversif parce que dit blanc. C'est un racisme à l'envers. Dans ce contexte, la diaspora peut jouer un rôle important dans le rapprochement des vues et la convergence des intérêts entre les deux pays. À condition, bien entendu, que la France corrige sa diplomatie envers les pays anciennement colonisés, et l'Algérie enclenche un processus démocratique digne de ce nom. La relation franco-algérienne est d'emblée scellée par une alliance naturelle et substantielle qu'est la diaspora. C'est une imbrication qui devrait pousser les deux pays à une coopération privilégiée de facto. Et quand on parle de la diaspora, cela implique, il faut bien le préciser, toutes les composantes de cette dernière. À savoir, les éléments européens aussi parce que l'Algérie, comme toute grande nation, n'a pas à craindre la diversité, ni sa profondeur historique multiple.
Pensez-vous que la question de la mémoire est devenue une monnaie d'un marchandage politique entre l'Algérie et la France comme le souligne l'ancien ambassadeur français?
La question mémorielle semble obséder les politiciens des deux rives. Pas une seule élection en France sans que cette instrumentalisation ne soit mise à contribution pour les raisons que j'ai évoquées ci-dessus. En Algérie, le fait qu'on ne met pas suffisamment en valeur et en perspective notre histoire ancestrale, sature et surcharge de symbolique et de référence ce pan historique de la guerre de libération. Pourtant, si on fait un bond dans l'histoire d'avant 1830, on découvre des trésors de raffinement, de savoir, et de belles victoires. De quoi donner à la jeunesse algérienne l'orgueil et l'envie de renouer avec un passé qui tutoyait les autres empires. Et surtout de rester dans le pays et d'y croire. Mais pour cela, il faudrait d'abord qu'on croie en cette jeunesse et qu'on la respecte. Des deux côtés de la rive.


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