Au lendemain de la manifestation organisée par la puissante Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT), autorisée par le ministère de l'Intérieur contrairement à celles programmées par d'autres courants, c'est au tour du Front de salut national (FSN) de sonner un nouveau rassemblement, hier, au coeur de la capitale pour réclamer la remise en liberté d'une vingtaine d'opposants arrêtés ces dernières semaines, dans un coup de filet spectaculaire. «Liberté pour les détenus» ont ainsi crié plusieurs centaines de manifestants, «À bas le coup d'Etat» ont repris d'autres sympathisants de cette coalition de partis d'opposition conduite par le mouvement Ennahdha. C'est en bravant une interdiction formelle des autorités qu'ils ont tenu cette nouvelle manifestation, ignorant les mises en garde des forces de l'ordre jusqu'à franchir les barrières de sécurité au cours d'une bousculade pour accéder à l'avenue Bourguiba, artère principale de Tunis et haut lieu des rassemblements de toute nature. Les organisateurs de cette sortie du FSN ont sans doute été encouragés par la protestation de l'UGTT qui, selon les observateurs et les médias locaux, a rassemblé plusieurs milliers de travailleurs et de responsables de la centrale. Celle-ci entendait également protester contre l'arrestation d'un de ses dirigeants, affirmant qu'elle «ne se laisse pas intimider» tout en renouvelant son message au président Kaïs Saïed, pressé d'ouvrir le «dialogue» et de contribuer à «des changements démocratiques et pacifiques». Même son de cloche, donc, au sein du FSN dont le président, Ahmed Negib Chebbi, dira que «les arrestations font partie d'une politique d'arbitraire. Nous défendons une cause nationale et nous ne nous arrêterons pas tant que la démocratie et les institutions ne seront pas rétablis», a-t-il affirmé face aux militants présents hier, drapeau tunisien et portraits des détenus à la main. Pour rappel, lors de leur arrestation, le chef de l'Etat tunisien avait assuré qu'ils sont poursuivis pour «atteinte à la sûreté de l'Etat et complot» contre ses institutions. Le FSN compte, parmi les opposants arrêtés, un de ses dirigeants connus, Jawhar Ben Mbarek, 55 ans, ainsi que la jeune activiste Chaima Issa qui appelait à «une manifestation massive». Cette coalition est pilotée par le parti de Rached Ghannouchi, le mouvement islamiste Ennahdha, qui a dominé depuis 2011 jusqu'à juillet 2021, la vie politique tunisienne ainsi que le Parlement dissous par le président Saïed, entre autres mesures prises à ce moment-là. Ennahdha a vu plusieurs de ses dirigeants incarcérés depuis. Le mois dernier, une nouvelle vague d'arrestations a eu lieu, visant aussi bien d'anciens ministres, des hommes d'affaires connus et plus ou moins controversés et des responsables de médias privés. Le président Kaïs Saïed les a, aussi, qualifiés de «terroristes» et de «comploteurs contre la sécurité» du pays.