Que ce soit à Sfax, à Kairouan, à Sousse ou dans la ville agricole Gafsa, des centaines de Tunisiens sont sortis dans la rue pour manifester leur soutien aux décisions prises par Kaïes Saïed. Les manifestations pro et anti-Kaïes Saïed se poursuivent en Tunisie sur fond de multiplication des arrestations des figures politiques, des militants mais aussi des journalistes opposés à la politique du président tunisien, accusé de chercher à imposer un "pouvoir absolu" à la place de la jeune démocratie tunisienne, née de la révolution du Jasmin de 2011. Hier matin, quelque 5 000 partisans de Saïed ont manifesté dans la capitale Tunis ainsi que dans quelques autres villes tunisiennes, ont rapporté les médias locaux et étrangers. Que ce soit à Sfax, à Kairouan, à Sousse ou dans la ville agricole Gafsa, des centaines de Tunisiens sont sortis dans la rue pour manifester leur soutien aux décisions prises par Kaïes Saïed, dont le renvoi du gouvernement Mechichi et le gel de l'activité du Parlement, dirigé par l'alliance Ennahdha-Qelb Tounes, avec d'autres partis d'obédience islamiste. Le 22 septembre, M. Saïed a officialisé ses pleins pouvoirs par des "mesures exceptionnelles" promulguées par décret et qui prolongent la suspension du Parlement. Elles lui permettent aussi de légiférer par décrets, de présider le Conseil des ministres et de modifier les lois. Même s'il n'a donné aucun délai, ces mesures sont théoriquement provisoires, le temps d'adopter des "réformes politiques", dont des amendements à la Constitution de 2014. M. Saïed considère ce texte, à l'origine d'un régime hybride, comme trop déséquilibré en faveur du Parlement. Cet expert en droit constitutionnel, élu après une campagne anti-système, n'a jamais caché son hostilité aux partis, notamment à sa bête noire, le parti d'inspiration islamiste Ennahdha qui dominait le Parlement suspendu. Après deux mois de vacance à la tête du gouvernement, le président a nommé la semaine dernière une femme, Najla Bouden, pour former un cabinet. Hier, un député et un présentateur d'une télévision considérée comme proche des islamistes ont été arrêtés après avoir critiqué la nomination de Mme Bouden, qualifiée d'"alibi" et de "cache-misère" pour masquer "un coup d'Etat". "Aujourd'hui, le député Abdellatif al-Aloui et le présentateur de la chaîne Zitouna TV, Amer Ayad, ont été arrêtés après la diffusion de l'émission Hassad 24", a déclaré Me Ben Omar. Le motif de l'arrestation, intervenue à la demande de la justice militaire, est "l'expression de leurs propres opinions au cours de cette émission", a-t-il précisé, ajoutant qu'ils sont poursuivis pour "complot contre la sûreté de l'Etat", a-t-il ajouté. Le tour de vis donné par le président tunisien continue de susciter l'inquiétude d'une grande partie des Tunisiens et de la classe politique, mais aussi au niveau régional et international. La crainte de remettre en cause les acquis de la révolution ayant conduit à la chute de l'ancien régime de Ben Ali alimente la colère de l'opposition démocrate et la société civile tunisienne, qui n'ont pas cessé de dénoncer le blocage politique qui a conduit à cette nouvelle crise dans ce pays. Le risque d'un retour à un régime présidentiel nourrit ces inquiétudes, y compris au sein de la puissante Centrale syndicale, l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), qui a appelé au dialogue et à des élections législatives anticipées pour faire baisser la tension. L'UGTT a aussi fait part de ses craintes de voir cette crise virer à la violence entre partisans et opposants à Saïed. La Centrale syndicale a d'ailleurs organisé samedi une réunion de concertation avec plusieurs parties dans l'espoir de trouver un consensus pour une sortie de crise rapide. Cette rencontre a eu pour objet l'examen des projets de révision de la loi électorale, du régime politique, de la loi relative à l'organisation des partis et des associations, selon un communiqué de l'UGTT.