Annoncé tambour battant par le représentant personnel du secrétaire général de l'ONU en Libye, Abdoulaye Bathili, le plan de sortie de crise, avec la promesse d'une organisation des élections générales jusqu'ici contrebalancées, n'aura pas mis beaucoup de temps pour faire réagir les «parties prenantes» à l'origine de l'échec répété des tentatives précédentes visant le même objectif. Et, comme auparavant, c'est bien le camp de l'Est libyen, incarné par le tandem Khalifa Haftar et Aguila Saleh, qui l'a aussitôt rejeté tandis que celui de l'Ouest dit et redit son soutien. Le fait est que derrière les uns et les autres, ce sont les parrains étrangers des deux camps en présence qui ont le dernier mot et ce qui devait arriver arrive, du moment qu'ils n'ont pas encore réussi à accorder leurs violons. Le plan de Bathily, tout aussi méritoire que le fut celui de la diplomate américaine qui l'a précédé en qualité d'envoyée spéciale d'Antonio Guterres, devait forcément se heurter à ces rivalités qui minent la scène libyenne depuis de nombreuses années et fait craindre le pire pour le peuple frère et voisin. Depuis son intronisation en octobre dernier à la tête de la Mission d'appui des Nations unies en Libye (Manul), le Sénégalais Abdoulaye Bathily a soumis au Conseil de sécurité, le 27 février dernier, durant sa présentation périodique, une initiative dont il croit qu'elle peut assurer «la tenue d'élections présidentielle et législatives en 2023». Cela rappelle quelque peu les promesses sans doute sincères de 2021 qui visaient le même objectif, la date des scrutins ayant même été choisie en guise de cadeau pour le 24 décembre! Mais, comme en ce temps-là, le nouvel émissaire onusien s'est mis à dos les parties prenantes dont il a critiqué les manoeuvres qui entravent le progrès d'une solution tant espérée par le peuple libyen. Cela est surtout vrai pour le Parlement en place depuis 2014, avec une légitimité de moins en moins reconnue. Cependant, Bathily est désormais la cible de la Chambre des représentants, à l'Est, présidée par Aguila Saleh, mais aussi du Haut Conseil d'Etat (Sénat) à l'Ouest, les ayant courageusement accusés l'un comme l'autre, de s'être mis d'accord pour «ne pas se mettre d'accord» afin de maintenir le statu quo dont souffre le pays. Ayant suscité leur ire et celle des puissances rivales qui les parrainent, le diplomate sénégalais est dès lors sous le feu des critiques, au risque de voir la Libye replonger dans un chaos institutionnel et sécuritaire, les deux assemblées voyant dans sa démarche une tentative de précipiter leur disparition. De là à dénoncer une «ingérence inacceptable» et une «volonté internationale» d'imposer au peuple libyen une solution extérieure, il n'y avait qu'un pas, vite franchi. Mais Bathily est un diplomate qui use à bon escient de ce moyen de pression pour les contraindre à sortir de leur tanière en leur donnant une chance ultime d'avancer, pour que les élections n'interviennent pas sans eux...