Dans son analyse, le professeur Mustapha Chérif situe les enjeux de la guerre qu'Israël mène contre le Liban. Les conséquences de la guerre ignoble contre le Liban dépassent de loin ce pays. Depuis le 18 juillet, la guerre totale contre le monde arabe et musulman, et partant guerre mondiale, demain, contre ceux qui veulent vivre libres et indépendants, devient non plus une menace lointaine mais un péril imminent. Le Congrès américain, ce jour-là, a voté sa 921e résolution qui dès l'article1 confirme son soutien inconditionnel à Israël, et article6 menace directement tous les pays, c'est-à-dire principalement les Arabes et musulmans qui aideraient la résistance palestinienne et libanaise. En précisant dans son article8 qu'Israël a le droit de se défendre sur le territoire des pays qui représentent une menace. Le silence, la peur, pire, la complicité des régimes arabes, leur division dramatique et le suivisme de nombreux pays occidentaux sont le résultat des pressions et du diktat impérial. La vieille tactique de diviser pour régner, la propagande fumeuse du «choc» de Samuel Huntington et plus grave encore la théorie génocidaire du «Chaos destructeur des résistances» de Léo Strauss, autre philosophe néo-conservateur, encore plus belliciste, enseignée dans des écoles de guerre israéliennes et américaines, et le racisme du sionisme extrémiste, sont en train de s'appliquer avec férocité et imposent une hégémonie monstrueuse aux conséquences incalculables. La partition apocalyptique, de fait, de l'Irak, les bantoustans de Ghaza et de Cisjordanie, la destruction et le morcellement du Liban, demain la Syrie et autres, et le discrédit des institutions internationales et régionales, de la Ligue des Etats arabes, de l'Union européenne, de l'ONU, la censure consentante et avilissante de nombre de médias dans le monde, sont les signes d'une ère hautement dangereuse. La descente aux enfers, pour tous, semble avoir commencé. Dans un contexte défavorable aux forces de paix, c'est l'annonce de la plus grave crise depuis celle de Cuba en 1962. Sous des formes insidieuses, c'est plus préoccupant que les accords de Sykes-Picot de 1916 et plus profond que les prémisses des années trente. Le système, qui se profile, aveugle et arrogant, ne cache même plus ses intentions ; Bush et Condoleezza Rice répètent que: «Les douleurs du Liban sont les contractions de la naissance d'un nouveau Moyen-Orient», à comprendre comme un nouvel ordre mondial violent et totalitaire, prémédité, fondé sur la loi barbare du plus fort. Si les réactions des extrémistes politico-religieux, manipulés, usurpateurs du nom de l'islam et les incohérences de certains régimes arabes et islamiques ruinent les efforts de ceux qui travaillent au dialogue et à la coexistence entre l'Orient et l'Occident, la politique belliciste et les agressions du gouvernement militariste d'Israël, menées sur la base de l'extrémisme sioniste et des ambitions folles de la première puissance, creusent non seulement la tombe de la paix dans la région, mais aussi la tombe de l'avenir de l'humanité. Détruire la résistance arabe, détruire la Palestine, imposer la domination américano-sioniste au Moyen-Orient c'est imposer une hégémonie au monde entier. Israël et les USA contrôleront dans la région les réserves d'eau du Liban et du Golan, les réserves d'énergie des pays arabes. Mais, plus encore, deux autres conséquences majeures: Premièrement la fin, déjà bien aléatoire, du droit, comme référence pour les relations internationales et la vie politique dans la Cité. Deuxièmement, l'autre version de l'humanité qui résiste, tant bien que mal, aux dérives totalitaires du Marché monde, à la déshumanisation, à la perte du sens de la vie et aux injustices, la musulmane, comme un dernier rempart qui empêche le libéralo-fascisme de dominer le monde, sera illusoirement considérée comme politiquement vaincue et poussée à des formes inédites de dissidence et de nuisances. Le projet absurde et injuste israélo-américain contre le droit, de l'homme et des peuples, contre le droit à la différence, est voué à l'échec. Car nul ne peut dominer toute la planète, nul ne peut avoir raison contre tous, nul ne peut vaincre tout le temps sur la base de l'iniquité. Mais les dégâts, qu'il a commencé à provoquer, seront immenses. Tous les peuples de la terre, y compris juif et américain, en payeront le prix, même si les Arabes en premières lignes, subiront le plus. Non seulement, pour longtemps, l'amitié judéo-arabe et islamo-chrétienne auxquelles la majorité des gens est attachée, seront remises en cause, mais aussi la paix et les fondements de l'humanité liés aux principes abrahamiques et aux valeurs de progrès sur le plan des libertés. Voilà pourquoi il est urgent de s'unir et de s'allier avec tous nos amis qui croient encore à la justice et de se rapprocher de tous ceux, sans exception, qui restent attachés au droit, à l'universel et aux principes des Nations unies. La coexistence, le vivre ensemble; la sécurité mondiale, la possibilité de rechercher une civilisation commune qui nous fait tant défaut, méritent de ne ménager aucun effort. La sagesse, la prévention et la vigilance, avant qu'il ne soit trop tard. La communauté internationale a trop laissé faire le mouvement déshumanisant, chaotique et suicidaire des puissants, terrorisme d'Etat, celui des gouvernements israélien et américain, à différencier de leur peuple, qui comme tous les autres peuples ont le droit à la sécurité et à la paix. Mouvement qui risque d'entraîner tragiquement le cours de l'histoire vers des abîmes. Récuser seulement les réactions des faibles, poussés au désespoir, vouloir les désarmer, est loin de régler la question. Le chaos frappe aux portes du monde. La résistance arabe sauve l'honneur, mais seule ne peut sauver le monde. Humains de tous les pays où êtes-vous?