Des manifestants ont protesté vendredi devant l'ambassade de France à Rabat contre la libération sous caution de l'ex-patron français Jacques Bouthier, visé par une enquête pour harcèlement sexuel pour des faits ayant eu lieu au Maroc. Au nombre d'une vingtaine, en majorité des femmes, les protestataires ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire: «Non à la protection des violeurs», «La justice française viole les droits des victimes d'abus sexuel» ou encore «La liberté provisoire d'un violeur menace les victimes». Incarcéré depuis mai 2022, Bouthier, 76 ans, a été remis en liberté lundi, sous contrôle judiciaire, pour des raisons médicales. «Libérer Jacques Bouthier pour des raisons médicales est inacceptable», a estimé l'avocate Aïcha Guella, présidente de l'Association marocaine des droits des victimes (AMDV) qui accompagne des plaignantes marocaines dans cette affaire. «C'est choquant pour les victimes qui sont censées être protégées par la justice», a affirmé Me Guella. Dans un communiqué appelant à manifester, l'AMDV a exprimé «sa plus forte indignation et son rejet de cette décision». L'ancien P-DG du groupe Assu 2000 a été mis en examen notamment pour traite des êtres humains et viols sur mineure. Il est par ailleurs visé par une enquête pour harcèlement sexuel, ouverte par le parquet de Paris en mai 2022, a indiqué jeudi le parquet français. À ce jour, quatre personnes ont déposé plainte contre lui pour harcèlement sexuel, selon la même source. L'affaire a des ramifications au Maroc, où est implanté le géant du courtage (rebaptisé Vilavi). La police française a ainsi auditionné mardi à Paris une ex-attachée commerciale de 29 ans qui travaillait à la succursale de Tanger (nord du pays) et qui a déposé plainte en octobre 2022, selon deux sources proches du dossier. En outre, six jeunes ex-employées marocaines d'Assu 2000 se sont constituées partie civile à Tanger. Huit collaborateurs de l'ex-patron français - six Marocains et deux Français - ont été renvoyés récemment devant un tribunal criminel de cette ville, notamment pour «traite humaine» et «harcèlement sexuel», à l'issue d'une enquête ouverte après des plaintes déposée au printemps 2022. Les faits présumés se sont produits entre 2018 et avril 2022. Jacques Bouthier n'étant pas poursuivi à ce stade au Maroc, l'AMDV «va déposer en France trois plaintes au nom de trois victimes», a précisé sa présidente. Cette affaire judiciaire survient dans un climat de crise diplomatique entre le Maroc et la France. Par ailleurs, le roi Mohammed VI a lancé vendredi soir une opération caritative à l'occasion du mois sacré de Ramadhan dans la ville populaire de Salé, son premier engagement public depuis la fin 2022 après un séjour prolongé au Gabon. Le monarque chérifien, accompagné du prince héritier Moulay El Hassan, a procédé au lancement de l'opération «Ramadhan 1444» dans un quartier de Salé, cité jumelle de Rabat. Cette campagne de «solidarité» dotée d'une enveloppe de 390 millions de dirhams (35 millions d'euros), a pour objectif de fournir de l'aide alimentaire à un million de ménages dans le besoin, en majorité en milieu rural. Mohammed VI, âgé de 59 ans, a dû renoncer le 22 février à une visite prévue au Sénégal en raison d'une grippe qui l'empêchait de voyager, selon le palais royal. Une semaine auparavant, en visite au Gabon, il s'était entretenu à Libreville avec le président gabonais Ali Bongo Ondimba, un chef d'Etat avec lequel il entretient d'anciens liens d'amitié. À cette occasion, il avait remis un don de 2 000 tonnes de fertilisants au Gabon. L'état de santé du souverain alaouite est suivi de près par le Makhzen et au-delà des frontières du royaume. Il a été testé positif au Covid-19, sous une forme asymptomatique, en juin 2022. Un an auparavant, il avait subi une opération au coeur à la clinique du palais royal de Rabat, après une première intervention en janvier 2018 à Paris. Mohammed VI règne sur le pays depuis juillet 1999, date à laquelle il a succédé à son père, Hassan II.